Aaltra
Cinéma / Critique - écrit par Kassad, le 02/11/2004 (Tags : delepine benoit kervern gustave film aaltra comedie
Beaufs meet Finland
Aaltra pourrait bien être le nom d'une planète d'une lointaine galaxie. En fait il s'agit d'une usine qui se trouve en Finlande, et tout compte fait s'y rendre ça revient un peu à sortir de la voie lactée. Enfin ceux qui auront vécu un certain temps en Finlande verront de quoi je parle (moi j'y ai passé 3 mois et vous pouvez constater qu'on n'en sort pas indemne). Deux voisins franchouillards jusqu'au bout du marcel et qui ne peuvent se supporter deviennent paralytiques à cause d'une benne agricole fabriquée par Aaltra. On ne peut pas vraiment dire qu'ils décident (ce sont plutôt les événements qui les dirigent) de s'y rendre, en fauteuils roulants, pour réclamer des compensations, mais c'est la forme que prend ce road movie.
Benoît Delépine et Gustave Kevern sont connus pour leurs apparitions dans l'émission Groland. Ils y pratiquent un humour noir, presque méchant, toujours absurde, en tous cas dérangeant. Si ces caractéristiques sont bien présentes dans Aaltra, j'en connais plus d'un qui sera surpris par la forme. Le premier quart d'heure est pratiquement sans dialogue (à part quelques jurons et une visioconférence vite avortée). Le film est en noir et blanc gros grain et les personnages ne s'y bousculent pas. C'est donc à un spectacle véritablement minimaliste auquel il faut s'attendre. Cela pourrait sembler surprenant quand on connaît les gugusses à l'origine du projet, cependant quand on sait qu'il s'agit d'un film hommage pour Aki Kaurismäki, metteur en scéne finlandais (L' Homme sans passé), certaines choses deviennent plus claires (et c'est pour ça que je vous le dis).
Le mélange entre les plans fixes sur un couloir d'hôpital et le racket d'une mamie paralytique donne un résultat improbable entre un film d'art et d'essais et un film à l'humour féroce comme C'est arrivé près de chez vous. Le film qui s'en rapproche le plus, pour que vous vous fassiez une idée, est Les convoyeurs attendent (un des films pour lequel le taux renommée/qualité est le plus étonnant de ces dernières années malheureusement). Il s'agit aussi d'un film en noir et blanc avec Poelevoorde, poétique et humoristique, et ce n'est donc pas un hasard si au détour d'une scène hilarante ce dernier vient visiter ce film. Cependant le rythme d'Aaltra est lent, parfois pesant, et les traits d'humour qui le parsèment n'en sont pas vraiment représentatifs. L'ambiance est plutôt à la "Don Quichotte", avec tout le tragique que cela comporte.
Pour moi le principal attrait de ce film est son aspect irrévérencieux : les victimes ne sont pas touchées par la sainteté du fait qu'elles sont victimes. La beauferie est une maladie universellement répandue même chez les handicapés. Je dois dire tout de même que ce film est une classe en dessous de Les convoyeurs attendent mais mérite d'être vu pour son côté littéralement iconoclaste...