Sheitan
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 06/02/2006 (Tags : film sheitan chapiron kim cassel thriller cinema
Sheitan, à la base a tout d'un projet qui attire un minimum de sympathie, premier long-métrage issu de Kourtrajmé, collectif d'irréductibles aux compétences variées -graphistes, acteurs, réalisateurs...- déjà auteurs d'une kyrielle de courts-métrages et de clips. Co-produit par Vincent Cassel, qui apporte autant les biftons qu'un nom reconnu au générique, donnant une légitimité au tout, Sheitan débarque en salle après une longue gestation, porté par une promo laissant entrevoir une sorte d'Evil Dead où Ash serait remplacé par trois lascars en Golf GTI et surtout par un "ne leur pardonnez pas car ils savent ce qu'ils font", étendard revanchard d'une équipe rageuse prête à en découdre. L'intention était bonne, le rêve accompli de cette bande de Robins des Bois de l'image aspirait à l'indulgence, et pourtant, il faut bien reconnaître que Sheitan est un non-évènement.
Barth, Thai, Ladj et Yasmine se retrouvent dans la maison de campagne d'Eve, jolie fille rencontrée en boite. De là ce ne sera plus que paysans dégénérés, tentative de drague, mystères et boules de shit. Vendu comme un film d'horreur pur et dur, ce que n'arrangeait pas son nom délicieusement ésotérique (Satan, en Arabe), Sheitan n'en est pourtant pas vraiment un, car hésitant constamment entre un Massacre à la Tronçonneuse français et la comédie grasse à base de femme fontaine ou de masturbation de chien (en gros plan, voilà pour le -16 ans).
N'assumant vraiment ni l'un ni l'autre, Sheitan tombe donc logiquement dans le foutoir le plus total, ce que n'arrange pas sa conception hasardeuse. Mixant les bois enfumés d'Evil Dead, les autochtones tarés de Tobe Hooper ou de Delivrance et une attitude-banlieue digne d'une prod Besson, Sheitan joue sur tous les tableaux avec des clichés désespérants. C'est ainsi qu'entre lumières qui s'éteignent et voiture qui ne démarre pas, le film, pas plus subtil sur l'aspect banlieue, nous fait suivre deux délinquants en rut cherchant toute occasion de mettre l'hôtesse dans leurs lits, jeu qui finira en partie à trois. Côté campagne, la récupération française d'un genre davantage américain a plutôt tendance à amuser, peuplant nos vastes champs de bouseux incompréhensibles à la tronche pas possible. Le décalage fait plutôt mouche, mais tourne rapidement court tant Vincent Cassel en fait des tonnes dans la peau d'un gardien de chèvres particulièrement louche. Belle performance, mais peut être pas dans le bon ton pour ce personnage sans doute voulu inquiétant.
Sheitan est un film bicéphale où l'on sent une influence considérable du travail de Jan Kounen et de ses univers barrés. D'ailleurs les images parlent d'elle même : présence de François Levantal au casting, un long emprunt à Dobermann et un générique final hanté par une petite chanson douce, comme dans le Dernier Chaperon Rouge. De là à dire que Sheitan est le Dobermann du film d'horreur, c'est un pas qui ne se franchit pas. Entre autres choses, Kim Chapiron n'a pas le talent de Kounen, et beaucoup s'en faut. Le film fait très amateur. Certaines scènes sont trop longues. En résumé, on s'ennuie pas mal devant Sheitan, et les quelques expérimentations trashouilles ou gags incongrus -dont une ahurissante poursuite en mobylettes- ne relèvent pas la sauce. Retenons tout de même une discussion religieuse qui ne manque pas d'intérêt, un final bien violent et des acteurs qui s'en sortent plutôt bien. Hélas en soi, Sheitan est un pétard mouillé, sans doute plus adapté à un format court métrage. Foutraque et décousu, Sheitan est un film de potes qui ne manque pas d'audace, mais sans doute de maturité voir d'un peu d'humilité. A voir comme un coup d'essai, une marche de montée, mais en aucun cas comme une révolution.