Roman de gare
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 28/06/2007 (Tags : gare roman litterature livres film romans livre
Gare au roman
Claude Lelouch est souvent vu comme une sorte d'équivalent français de Woody Allen pour sa façon de ressasser depuis quarante ans ses thèmes de prédilection dans une série de films qui se ressemblent tous. Sauf qu'on est en droit de préférer l'humour du petit new-yorkais au nombrilisme pompeux du parisien laborieux.
Ce film, il l'a annoncé, est celui du changement : fini les modes d'emploi sur les relations homme/femme (quoique...), c'est l'intrigue policière qui tiendra l'affiche. Et pour bien annoncer la couleur, appelons ça Roman de gare, afin sans doute de pouvoir clamer fièrement que l'oubli dans lequel tombera le film était voulu dès sa conception...
Judith Ralitzer (Fanny Ardant), écrivain à succès, est mise en garde à vue pour le meurtre de son nègre. Un an plus tôt, un dangereux tueur en série, doublé d'un pédophile, d'un violeur et d'un magicien (sic) s'évade de prison.
Difficile de résumer un film dont l'intrigue ne se révèle qu'aux deux tiers du métrage. Le début n'est que fausses pistes, histoires parallèles et suspense à 20 cents : tout hommage à la littérature bon marché qu'il soit, Roman de gare révèle de façon assez déprimante qu'au bout d'une quarantaine de films, Lelouch est aussi incapable de construire un scénario de façon cohérente que d'intéresser le spectateur attentif au déroulement de l'action. Il y avait pourtant matière à napper de tension ces protagonistes qui aiment à se faire passer pour ce qu'ils ne sont pas (ou l'inverse).
Mais on se désintéresse de ces enjeux dramatiques assez rapidement, pour se contenter d'apprécier le jeu des acteurs : car si Fanny Ardant conserve sa diction horripilante (c'est pourtant facile Fanny : quand on parle, les dents doivent parfois se toucher ; il ne faut pas avoir peur, elles ne cassent pas), Dominique Pinon rappelle qu'il est un des meilleurs acteurs français en circulation à l'heure actuelle. Sous-exploité ici comme d'habitude, il apporte sa personnalité inimitable à un rôle qui aurait fondu comme un flan dans les mains de n'importe qui d'autre. Audrey Dana, ancienne animatrice de Culture Pub, se révèle également très talentueuse, et certains de ses échanges verbaux avec Pinon sont de petites merveilles. Etonnant d'ailleurs, que ces occasionnels dialogues si bien écrits alternent avec d'autres manifestement écrits avec les pieds...
Les clichés, manifestement utilisés à dessein par un film qui se veut une mise en abîme du roman de gare, finissent par plomber le peu de vraisemblance de l'ensemble, qu'il s'agisse de rebondissements ultra-prévisibles ou de détails horripilants (quel écrivain ânonne réellement à haute voix les phrases qu'il est en train d'écrire ?).
Visuellement, le film passe en pilote automatique passé quelques images intéressantes dans le premier quart d'heure. On remarquera d'ailleurs que le générique rappelle largement le court métrage C'était un rendez-vous que Lelouch tourna en 1976 : un plan-séquence de 9 minutes filmé dans la plus grande illégalité à partir d'une voiture lâchée à pleine vitesse dans Paris au petit matin, au mépris des feux rouges et des panneaux de signalisation... Ici toutefois, l'énergie retombe dès la fin des titres d'ouverture.
Reste l'attachement que l'on éprouve pour certains de ces personnages, indépendamment de l'histoire abscons dans laquelle ils évoluent. Et la perspective que Lelouch, en explorant d'autres terrains que ceux qu'il bat depuis quatre décennies, finisse par retrouver le feu sacré de ses premiers films...
Ce vrai-faux film policier a semblé un argument suffisant pour nommer Claude Lelouch président du festival du Film Policier de Cognac de cette année. Et pourquoi pas un vrai réalisateur de film noir comme Guillaume Nicloux ?..