7/10Le Petit Prince version 2015

/ Critique - écrit par nazonfly, le 17/08/2015
Notre verdict : 7/10 - L'essentiel est visible à l'écran (Fiche technique)

Tags : prince petit film france little histoire cannes

Adapter un chef d'oeuvre comme Le Petit Prince est un pari vraiment casse-gueule. Mark Osborne s'en sort pourtant vraiment bien. Critique d'un film d'animation réussi.

C'est l'été, il fait chaud. Parfois le meilleur moyen de passer l'après-midi avec ses enfants est de se terrer dans un ciné climatisé. La canicule (et leur mère) ayant permis à mes gremlins de voir les deux succès de l'été (Les minions et Vice-Versa), j'ai donc décidé de tenter la contre-programmation en délaissant l'anim ultra-courue pour Le Petit Prince, certes réalisé par Mark Osborne à qui on doit Bob l'éponge ou Kung-Fu Panda.

Je ne vous ferais pas l'affront de vous rappeler l'histoire du Petit Prince et je passerais directement au scénario de cette nouvelle adaptation. Le livre de Saint-Exupéry ne se suffisant apparemment pas à lui-même, c'est en effet une autre histoire qui est mise à l'écran. Le personnage principal y est une petite fille, constamment poussée par sa mère qui veut qu'elle réussisse sa vie : comprendre ici qu'elle veut que sa fille travaille bien à l'école pour qu'elle devienne une winneuse, du genre à bosser 7J/7 et 24H/24 pour gagner tunes et pouvoir. Une vie de rêve ! Cette obsession va contraindre cette chère maman à déménager pour se retrouver proche de la super-méga-école de winners du coin. Sauf que, manque de pot, la nouvelle maison est à côté d'un ex-aviateur excentrique et que ça ne va pas se passer comme prévu (incroyable n'est-ce pas).


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Le scénario parvient, avec une certain réussite, à utiliser le matériel créé par Saint-Ex en mettant en avant certaines parties de l'histoire originale plutôt que d'autres : ainsi la rose et le renard, sans doute les plus célèbres personnages du roman, ne sont qu'assez peu présents au profit du vaniteux et du businessman. Il en résulte un film centré sur l'enfance, sur la nécessité de vivre sa vie d'enfant, d'ouvrir son âme d'enfant et d'oublier certainement les contingences d'un monde d'adultes trop calculateur, trop rigoriste pour un monde d'enfant poétique et farfelu. Une opposition entre la magie/la poésie et la logique cartésienne (au passage je rêve d'un film où les mathématiques seraient représentés autrement que comme une matière austère) qu'on retrouve finalement plutôt souvent dans le cinéma pour enfants : je pense par exemple à Paddington où l'arrivée d'un ours perturbe la vie ultra-réglée d'un papa assureur ou à Le manoir magique où « s'affrontent » un vieux magicien et son neveu, vendeur immobilier.


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Le Petit Prince a cependant une originalité par rapport aux habituels films d'animation : il ne se contente pas d'utiliser une seule technique d'animation mais se sert de plusieurs approches. Ainsi si la majeure partie du film est faite d'animation numérique désormais classique, les traits de Saint-Exupéry prennent vie sous la forme d'animation dessinée ou, mieux encore, de stop-motion à base de collages qui donnent un magnifique aspect au film rappelant parfois La science des rêves de Gondry. En conséquence le film a un cachet inimitable que ne dépare pas l'esthétisme de la ville des adultes, rappelant Edward aux mains d'argent ou Dark City. Pour appuyer ces choix visuels, Osborne s'est octroyé les services musicaux de Hans Zimmer ainsi que de la chanteuse Camille pour un résultat qui là encore se démarque franchement des films d'animation habituels par sa poésie et sa joliesse.

Les grincheux se lamenteront sûrement du traitement réservé au roman Le Petit Prince puisque, comble de tout, il ne s'agit pas d'une adaptation mais d'une extrapolation qui, plus est, largement plus profonde que le roman original (dont on pourrait tirer cent histoires intéressantes). C'est justement ce en quoi le film est un exploit : parvenir à utiliser certains personnages clés d'une histoire mondialement connue et reconnue pour créer un tout nouveau matériau. Et quand c'est fait avec autant de sincérité, de beauté, de poésie, on peut même excuser quelques mièvreries tire-larmes et quelques gros sabots pas très fins.