Le Petit Nicolas
Cinéma / Critique - écrit par Guillaume, le 14/09/2009 (Le secret de l'adaptation réussie est de parvenir à conserver intact l'esprit de l'oeuvre tout en la malmenant suffisamment en osant changer ce qui passe mal à l'écran.
Avant d'aller plus loin, précisons-le d'emblée : le Petit Nicolas dont il est question est bel et bien celui qui fait tinter la clochette de la nostalgie. Sempé au dessin et Goscinny au scénario donnaient vie, en livre et en illustrations, à un jeune élève et sa bande d'amis. Son prénom, il le tient, de l'aveu même de Sempé, d'une publicité pour une chaîne de détaillants d'alcools.
Tadaaa !L'oeuvre romanesque étant constituée de multiples nouvelles, l'adaptation en film requierait de faire son marché pour éviter de noyer les spectateurs, pourtant à l'aise dans l'eau si on en croit leur statut de sardines, entassés dans les fauteuils inconfortables de certaines salles de cinéma.
Ainsi, le film se focalise sur deux éléments principaux d'intrigues, et quelques péripéties périphériques : le repas où le père du petit Nicolas accueille son patron et son épouse, et la peur du petit Nicolas de finir abandonné pour cause de petit frère devant arriver. A cela s'ajoute la venue du ministre de l'éducation à l'école ainsi que la bonne mine du voisin se mêlant de ce qui ne le regarde pas.
La véritable réussite de ce film est d'avoir réussi à conserver l'univers du petit Nicolas sans pour autant y être trop fidèle. Il aurait été facile de penser animer les petits mickeys de Sempé pour en faire un film d'animation (M6 propose depuis le début du mois une version "images de synthèse" qui n'est pas pour autant fidèle au matériau de base). Là, au contraire, Laurent Tirard a préféré se lancer en proposant sa propre vision de l'univers, en utilisant tout ce qu'une caméra pouvait lui offrir, aussi bien musicalement que visuellement.
Le Petit Nicolas et sa bandeC'est avec un certain plaisir que la transition entre le monde dessiné et le monde des lumières s'effectue : un générique tout en collages et profondeurs amène à perdre tout a priori. En quelques minutes on se sent prêt à accepter une nouvelle interprétation, sans clichés. Redécouvrir le petit Nicolas sans appréhension...
Kad Merad dans le rôle du père et Valérie Lemercier dans le rôle de la mère s'en sortent plutôt bien. Ils n'ont pas été embauchés pour faire rire à tout prix, et on les en remercie. Si les gamins se gausseront devant quelque concours de grimaces, on s'étonnera avant tout des disputes incessantes qui parcourent le film, mais qui finissent toujours bien. A croire que rien n'a de conséquence.
C'est ce qui saute aux yeux, et qui fait le plus écho aux anciennes tribulations du Petit Nicolas. On peut tout y faire, tant que ce n'est pas vulgaire, tant que c'est naïf, tant que ce n'est pas méchant, tout est plus que pardonné. Voler une voiture, faire prendre une concoction hasardeuse pour de la potion magique, tout passe sans gravité, sans heurts violents.
C'est en cela que le petit Nicolas est universel, et que le réalisateur, accompagné de Grégoire Vigneron au scénario, a réussi son pari de l'adaptation. Le trait le plus essentiel, le plus caractéristique de l'oeuvre est conservé, tout en sachant adapter pour de bon ce qui ne sied pas à une oeuvre de cinéma.
Le bouillon débordeBien entendu, cet aspect ne plaira pas à tout le monde. Tout semble lisse et beau dans cet univers. Les décors sont toujours bien propres et rangés, bien colorés, encore plus appétissants que chez l'ami Ricoré. Mais c'est aussi cette facette qui rappelle le plus l'enfance insouciante et qui rend le propos universel. On s'y reconnaît non pas pour son propre vécu, mais pour l'envie de pouvoir faire nôtre une telle enfance.
Ce festival de couleurs propres sur elles et de vêtements impeccables instaure une ambiance bien particulière. On est à plusieurs reprises tenté de trouver des similarités avec la photographie et la musique de Pushing Daisies, qui forment à elles deux un personnage indépendant. On s'étonne de ne pas trouver un propos plus noir derrière une apparence de façade si distrayante. Quoi qu'il en soit, Denis Rouden parvient à exprimer, par bribes, un véritable talent, qui trouve un bel écho dans la musique de Klaus Badelt.
Cependant, si le casting est reconnu, avec notamment la présence de Sandrine Kiberlain en institutrice aimée, François-Xavier Demaison en bouillon, Michel Duchaussoy en directeur, Michel Galabru en ministre, Anémone en acariatre, on regrette que ce soit avant tout la caricature qui ressorte de chaque personnage. Ils n'ont en effet que peu de profondeur et se contentent de montrer une forte facette pour noyer le poisson.
Si le père de Nicolas n'est pas qu'un râleur et qu'il cache un coeur derrière ses réprimandes, on a bien du mal à lui trouver d'autre intérêt. De même, la mère, stéréotype de la mère de famille potiche qui ne fait que s'occuper de son fils et des corvées ménagères, si elle tente bien de s'évader de son carcan social en prenant un peu son indépendance en apprenant la conduite et en se cultivant, renonce bien vite tant les obstacles semblent insurmontables. On ne s'évade pas si facilement d'un tel monde !
C'est peut-être aussi cela qui fait le charme : tout y est désuet à souhait et stéréotypé. Mais c'est aussi ce qui énerve...