7/10Mon nom est Shangaï Joe

/ Critique - écrit par riffhifi, le 03/12/2008
Notre verdict : 7/10 - Wild Wild East (Fiche technique)

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Avant Shanghai Kid, il y avait Shangaï Joe. Bien moins hollywoodien (et pour cause, c'est italien), le film de Mario Caiano dépote aussi bien dans la tatane azimutée que dans le vannage semi-culte.

En cette fin d'année 2008, le western est résolument asiatique : japonais avec Sukiyaki Western Django en novembre (un film de Takashi Miike avec Tarantino en guest !), et coréen avec Le bon, la brute, le cinglé en décembre. Le mariage de l'Ouest et de l'Est n'est pas nouveau : Jackie Chan jouait les Shanghai Kid en 2000 face à Owen Wilson, Charles Bronson rencontrait Toshiro Mifune dans Soleil rouge en 1971, et nul n'a oublié la série Kung-Fu avec David Carradine (de 1972 à 1975). Mais du côté des westerns spaghetti, les années 70 ont également vu éclore deux westerns aux couleurs orientales : La brute, le colt et le karaté en 1974 (avec Lee Van Cleef et Lieh Lo, qui pratique manifestement plus le kung-fu que le karaté), et surtout Mon nom est Shangaï Joe deux ans plus tôt, en 1972.

« Monsieur s'il-vous-plaît, je voudrais un billet pour le Texas.
- Un billet pour le Texas, ça ne veut rien dire ! Le Texas c'est grand, c'est pas la Chine ! »


Quand on parle de western « spaghetti / riz cantonais » (parfois appelé « western soja », mais bof), on se doute que le repas va être riche (dans le sens : consistant). Inutile d'attendre trop du scénario : il se cantonne (désolé) au strict minimum, avec son héros Chinois traversant le Far-West de 1882 en mettant des raclées à tous les affreux qui jonchent son chemin. L'ébauche d'une intrigue ne commence à se profiler qu'au bout d'une bonne grosse heure, après un nombre incroyable de péripéties pittoresques qui mettent Shangaï Joe aux prises avec le mépris et le racisme qui animent la plupart des cow-boys de l'époque. Essuyant avec calme les insultes, il reste toujours cordial avec ses adversaires et leur adresse les avertissements d'usage avant de leur dévisser la tête. Vengeant ainsi plusieurs décennies de compatriotes caricaturés (les personnages chinois des westerns, quand ils existent, sont à 10% des ouvriers de chemin de fer et à 90% des blanchisseurs), Shangaï s'impose comme une figure éminemment sympathique, malgré le relatif manque de charisme de son interprète Chen Lee (dont le visage fait penser à une version asiatique de Dustin Hoffman). Lee, artiste martial, faisait ses débuts d'acteur cette année-là, en jouant successivement ici et dans le film chinois Mang quan (sorti en France sous le titre à peine croyable Ça branle dans les bambous...). Le casting est complété de quelques acteurs récurrents du western spaghetti : Klaus Kinski, Gordon Mitchell, Piero Lulli, Giacomo Rossi-Stuart...

« N'oubliez jamais la devise de notre ordre : récompense le bien, punis le mal, et partout fais régner la justice. »


Avec son rythme impeccable et son côté singulièrement décomplexé vis-à-vis de la gratuité de ses scènes d'action, Mon nom est Shangaï Joe se révèle un divertissement aussi kitsch qu'enthousiasmant. Le réalisateur Mario Caiano n'est sans doute pas étranger à cette réussite : un homme qui commence sa carrière par un film appelé Ulysse contre Hercule ne peut pas être complètement mauvais... On le connaît également pour avoir tourné Les amants d'outre-tombe, et le curieux Signe de Zorro avec le fils d'Errol Flynn (une version basque du personnage !). Ici, il intègre avec talent les codes du film d'action chinois (les bastons sont nerveuses et inventives, les cascades joyeusement irréalistes) et y ajoute une touche de gore bienvenue aux moments où l'on s'y attend le moins (ce qui fait du film une friandise pour public averti). Le tout est nappé de la musique de Bruno Nicolai (qui avait œuvré sur les films de Sabata et Sartana, et deviendra un collaborateur régulier de Jess Franco), à mi-chemin entre la balade de western et les sons de l'orient.

En 1975, l'Italie voit sortir Il ritorno di Shanghai Joe (oui oui, avec un H dans Shanghai), dans lequel Chen Lee reprend son rôle et Klaus Kinski cachetonne à nouveau. Inédite en France, cette suite a plutôt mauvaise réputation. De toute façon, seul le premier film est disponible en France, dans une collection DVD de Seven Sept consacrée aux westerns spaghetti.