King of the ants
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 19/05/2007 (Tags : king ants jeux manga nagahisa tsukawaki ryu
Jeune paumé, Sean gagne sa vie par divers petits boulots et règle son existence comme du papier à musique. Alors lorsque le gangster local lui propose une somme rondelette pour simplement suivre un expert comptable, il ne se fait pas prier. Une mission qui se transformera en contrat de meurtre, que Sean exécute sans trop se poser de question. Piégé par ses commanditaires, Sean s'enfonce dans une descente aux enfers...
Sorte de drame social dopé au film de vengeance, King of the Ants ne s'éloigne pas, sur le papier, de l'approche presque surréaliste des réalisations de Stuart Gordon (Re-Animator, Dagon, etc, etc). Jugez plutôt : Sean, devenu gênant suite à son forfait, passera une bonne partie du film à se faire fracasser le crâne à coups de canne de golf, manoeuvre destinée à le rendre débile ! Pour autant, et quand bien même Gordon a toujours su gérer une trame humaine à l'intérieur de son oeuvre -voir à titre d'exemple la sous intrigue de Castle Freak-, King of the Ants est pourtant un grand écart total avec son univers. Pas de gore échevelé, pas d'érotisme déviant (si l'on excepte la vision d'une femme au pénis fort disgracieux), pas même la moindre touche fantastique. Si l'on retrouve l'ambiance froide, justement, d'un Castle Freak, la tonalité est ici résolument réaliste, voire parfois aux limites du reportage. De là à dire que Stuart Gardon a un message à faire passer, il n'y a qu'un pas. Seulement Stuart Gordon, changer le monde ça ne l'intéresse pas, son truc, c'est plutôt de le décrire et nous laisser le nez dedans. Et King of the Ants est sans doute un de ses film le plus pessimiste. Ce que dépeint King of the Ants n'est en effet pas beau à voir : une société en forme d'enfer clinique, où l'on erre, déshumanisé, à la recherche d'un but. Et Sean, comme tant d'autre, y est une fourmis. Sa place est déterminée, son rôle calibré. Il est tout au service des puissants et paiera cher la volonté de changer son statut. D'avoir voulu côtoyer les cimes, être plus fort et plus intelligent qu'il ne l'est, Sean subira ce lavage de cerveau on ne peut plus artisanal, torture tant physique que psychologique, tendra à le faire dégringoler du pouvoir vers la masse fantomatique de ses semblables.
D'un point de vue ou d'un autre, les films du changement sont toujours casse-gueules. Argento en sait quelque chose, lui qui s'est mis la plupart de ses fans à dos avec The Card Player. Avec le recul, ils font souvent figure de brouillon, prélude nécessaire à une seconde carrière. De fait, King of the Ants n'est pas un grand Gordon : le budget minuscule handicape le film, l'interprétation est en dents de scie, le rythme accuse quelques longueurs et l'esthétique générale est plutôt laide. Pourtant, il annonce quelque chose, une bifurcation, qu'il est au jour d'aujourd'hui encore trop tôt pour estimer à sa juste valeur. Rendez-vous donc à l'occasion de la critique d'Edmond, son successeur. En l'état, on appréciera King of the Ants comme une agréable mais éprouvante digression dans l'oeuvre de Gordon, dont le sujet alarmiste, le jusque-boutisme et la violence sans concessions restent les principales qualités.