Dossier spécial - Le cinéma devient-il dépressif ?

/ Dossier - écrit par Hugo Ruher, le 18/06/2012

Tags : depression cinema troubles enfants vie trouble annees

Salut à toi Krinaute,

Comme tu l'as peut-être remarqué, la mode du cinéma actuel est de réadapter des contes, des livres ou des films de notre enfance pour en faire des œuvres complètement différentes. L'idée est de prendre comme modèle un personnage qui parle à tous, que tout le monde aime, qui a une image assez sympa et le transformer en héros torturé et sombre. En effet, aujourd'hui, pour être crédible et faire un film digne de ce nom, il faut que l'histoire soit sombre et ambiguë, la preuve avec le dernier Blanche-Neige. Le résultat n'est pas forcément mauvais, loin de là, mais a le don de transformer les fables dorées de notre enfance en films noirs. Voici donc le dossier « Dark » de Krinein.

 

The revenge of Snow-Dark.


Blanche-Neige et les Sept Nains (1937)

Dans l'imaginaire collectif, Blanche-Neige c'est avant tout l'adaptation de Walt Disney, avec les animaux qui dansent, les mineurs qui vont piocher toute la journée avec le sourire et les oiseaux qui aident à faire des tartes.

Alors bien sûr, il y a une histoire tragique mais tout finit bien et le film entier baigne dans un onirisme et un optimisme inaltérables. Alors bordel, comment en est-on arrivé à Blanche-Neige et le Chasseur !?
Blanche-Neige et le Chasseur (2011)
Ce film est typique de la tendance du cinéma hollywoodien, qui est de montrer le côté sombre de tout et n'importe quoi. Il n'y a qu'à voir la bande-annonce du film de Rupert Sanders pour se rendre compte que la nouvelle mouture de Blanche-Neige rappelle davantage Le Seigneur des Anneaux que les comptines de Walt Disney.

 

Terreur dans les bois.


Le petit poucet (1972)

Il faut l'avouer, Le Petit Poucet fait partie de ces contes pour enfants qui ont toujours entretenu une certaine noirceur, l'histoire de ces enfants abandonnés dans les bois par leurs parents incapables de les nourrir n'est pas franchement sujette aux fous rires. Mais il faut dire que la plupart des adaptations littéraires ou cinématographiques connues mettaient plutôt en avant l'aspect lié aux petits cailloux blancs disséminés à travers les sentiers. Cela donnait un côté plus romantique et drôle au conte et donc atténuait un peu le drame d'origine. En plus on pouvait faire des jeux de mots rigolos avec le nom du héros mais c'est une autre histoire...
Le petit poucet (2000)
Mais en 2001, Olivier Dahan a choisi de soumettre sa vision du conte en se concentrant davantage sur la fuite des enfants à travers les bois et sur leurs mésaventures avec des soldats, des ogres, des loups, des faisans etc. Sorti en 2000, le film a surpris les critiques justement par l'ambiance très sombre qu'il dégage par rapport à l'imagerie plutôt colorée qu'on a habituellement du Petit Poucet, mais ce type d'adaptation a pourtant été suivi de beaucoup d'autres présentes dans ce dossier.

 

Qui a peur du grand méchant loup ?


Red Hot Riding Hood (1943)

Toujours dans la catégorie des contes de notre enfance qu'on ne voyait pas bouger, on a Le petit chaperon rouge réadapté en 2011 avec... Le chaperon rouge. Fort heureusement, l'absence d'inspiration pour le titre n'est pas le plus gros problème qui souffre aussi de grosses carences chez les acteurs, le scénario, la réalisation, les effets spéciaux et le montage. À part ça, le film est plutôt pas mal... Mais encore une fois, l'unique intérêt d'une telle idée, est de prendre un conte connu de tous, irrémédiablement associé à l'enfance et à l'innocence pour en faire un simili-film d'épouvante.
Le Chaperon Rouge (2011)
Ce n'est d'ailleurs pas le premier essai pour faire ressortir le côté sombre de Perrault puisqu'en 2005, Hard Candy où le mythe d'origine se trouve mêlé au thème de la pédophilie sur internet et où l'héroïne est franchement flippante. On est loin de l'imagerie bucolique attachée au petit chaperon rouge.

 

Son nom est Bond, et il est plus là pour rigoler.


Goldfinger (1964)

Désolé Krinaute, mais on va te faire sauter du coq à l'âne en parlant du plus célèbre agent secret britannique de tous les temps, le fameux James Bond. La franchise cinématographique des James Bond a maintenant un bon demi-siècle et il est donc très facile de voir les différences de modes dans le cinéma. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir les premières œuvres avec Sean Connery complètement décalées, avec un héros qui invente des ruses plus fantaisistes les unes que les autres pour s'en sortir, le tout avec un flegme et un attrait pour la gente féminine à toute épreuve.
Casino Royale (2006)
Par contre, depuis Casino Royale le visage fermé et marqué de Daniel Craig s'est imposé et a fini par devenir une référence pour les fans. On nous présente même notre cher James se faire torturer et se retrouver dans de très mauvaises situations, ce qui montre bien à quel point pour faire un film d'aventure aujourd'hui, l'aspect réaliste et sombre passe avant la fantaisie et l'humour omniprésents dans les premiers films de la franchise. Pour résumer, James Bond est de plus en plus dépressif et illustre bien en cela l'évolution de l'état d'esprit des cinéastes...

 

Oh oh oh...


L'étrange Noël de monsieur Jack (1993)
Qui représente le mieux l'enfance et la magie que le Père Noël ? Comment ça Chuck Norris ? Bon admettons mais ici on va parler du gros bonhomme rouge. Pour ma part, les seules fois où j'ai eu l'occasion de voir le Père Noël sur grand écran c'était dans différentes aventures de Mickey ou dans L'étrange Noël de Mr. Jack mais il y a dû en avoir d'autres.
Cependant, j'avais beaucoup de mal à l'imaginer en dehors d'un film plein de magie et d'espoir en l'humanité. Mais ceci n'a pas empêché un obscur scénariste finlandais nommé Jalmari Helander de se réveiller un lendemain de cuite en se disant : « On va dire que des types font des fouilles dans un bloc de glace... et ils trouvent un vieux barbu. Et ben c'est le Père Noël en fait, et aussi on mettra des rênes morts et... oh il reste un fond de 8.6 ! »
Père Noël Origines (2011)
Mais l'esprit malade de Jalmari ne s'est pas arrêté là puisqu'il a lui-même réalisé son œuvre et a transformé le mythe du Père Noël en un film d'action et d'épouvante. Comme quoi n'importe quel thème peut-être adapté en n'importe quoi, et comme aujourd'hui, ce qui est le plus vendeur semble être le côté obscur de la Force, on transforme le Père Noël en héros de film d'horreur... No limit !

 

The very very dark knight.


Batman (1966)
Et pour finir, on va parler d'un bel exemple de franchise qui s'est considérablement assombrie avec les années, j'ai nommé un des seuls super-héros que j'arrive à encadrer : Batman. Batman c'est avant tout comme chacun le sait, une série de comics en sérieux déclin dans les années 1960 mais qui a connu un regain avec une série télévisée devenue célèbre et adaptée ensuite en film avec Adam West dans le rôle-titre. Cette série est aujourd'hui connue comme un summum du kitsch et de l'humour au second degré, à mille lieues du Batman d'origine.
The Dark Knight (2008)
Donc les cinéastes se sont ensuite attelés à retranscrire l'ambiance plus sombre des comics, tâche réalisée avec succès par Tim Burton qui a tout de même su garder un aspect bien délirant, notamment dans le personnage du Joker. Pour rester poli je ne parlerai pas d'un certain Joël S. responsable de deux autres adaptations en 1995 et 1997, avant que Christopher Nolan ne reprenne le flambeau en 2005. Burton avait déjà entamé le virage sombre de Batman mais Nolan enfonce le clou avec un Batman encore plus noir, plus méchant, plus torturé, et une ambiance absolument sinistre. Le troisième opus du réalisateur, The Dark Knight Rises promet un héros toujours plus éloigné des chorégraphies bondissantes d'Adam West.

 

 

 

Ne nous y trompons pas, on n'ira pas jusqu'à dire que le cinéma actuel est devenu un espace peuplé uniquement de dépressifs et de fans d'Haneke... mais quand même un peu. Et cette évolution est franchement visible quand on compare les adaptations d'hier et d'aujourd'hui. L'idée pour les cinéastes est bien souvent que la comédie pure n'est pas digne de l'art cinématographique, il faut donc absolument faire ressortir l'aspect sombre pour paraître crédible. Mais bon...un petit Monty Python de temps en temps ça fait du bien, il faut avouer !