The X-Files - Régénération
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 02/08/2008 (Mulder et Scully sont de retour... On a du mal à le croire et encore plus à l'avaler.
X-Files est un monument. Une institution. Une révolution télévisuelle qui ne fut plombée que par UNE seule faute de goût en dix ans : la mort de Fox Mulder. Même le premier film, simple épisode de luxe porté sur grand écran, n'était parvenu à ternir l'aura de la série de Chris Carter. D'ailleurs X-Files : Combattre le futur était-il vraiment mauvais ? Pour ainsi dire, non. Que le film soit considéré comme une excroissance du feuilleton ne témoigne finalement que du soin formel de ce dernier, et l'histoire en elle-même a le mérite de régler quelques axes mineurs connus des amateurs (l'huile noire).
Au chapitre des grands retours, X-Files n'était pas vraiment attendu : le show est aujourd'hui terminé, son influence digérée, ses interprètes partis vers d'autres conquêtes (le faussement subversif Californication pour l'agent Mulder, le purgatoire du direct-to-video pour l'agent Scully) et Chris Carter lui-même semblait avoir tourné la page avec Millennium. Que ce géniteur historique revienne lui-même aux affaires non classées augurait donc du meilleur, d'autant que la série se terminait en une queue de poisson désabusée, augurant d'un futur (à combattre ?) bien sombre.
Sauf que Chris Carter a suivi une toute autre route. On croirait qu'X-Files s'est arrêté hier : le monde va bien, Bush Jr. est président (en témoigne un plan vraiment "aux frontières du réel"...), Mulder et Scully ont quitté le FBI pour vaquer à d'autres occupations. Devenue médecin dans un hôpital catholique au nom joyeux, Dana Scully se bat corps et âme pour sauver un enfant d'une maladie incurable. De son côté, Fox Mulder profite de sa retraite pour se laisser pousser la barbe, découper des journaux et planter des crayons dans son plafond. Les fans seront aux anges, les deux se retrouvent dans une scène décalquée de l'épisode pilote et ont entamé une relation poussée (et charnelle), sanctifiée dans un ultime baiser hollywoodien en fin de métrage. Toujours antinomique, le couple sera cette fois réuni pour une affaire d'enlèvement, dont l'unique fil conducteur est le Père Joseph, prêtre pédophile extralucide.
- Scully ?
- Mulder ?
- Regarde dans cette critique, on dirait des... Spoilers...?
- Roh, Mulder, il y a à peu près cinquante explications rationnelles à ceci...
Amateurs d'extraterrestres diaphanes, de lueurs dans le ciel, de ronds-de-cuir comploteurs, de créatures du marais ou d'hommes élastiques, vous êtes appelés à faire votre deuil. X-Files Regeneration, contre toute attente, parle voyance, religion et rédemption. Presque pas paranormal, mais pas normal pour autant, le film fait figure d'anomalie dans le paysage estival des blockbusters. Aux super-héros et aux explosions, Chris Carter oppose un film lent, un peu verbeux et quasiment intimiste sur la reconstruction personnelle de deux êtres à la dérive confrontés à un homme qui remuera leurs convictions profondes. Le coeur du film est ici. Traité comme il se doit, le résultat serait entré dans la légende. Sauf que Chris Carter a eu la deuxième mauvaise idée de sa carrière : embourber sa belle thématique dans quelques signes extérieurs de richesse. Tel un schizophrène en pleine crise survient alors "l'autre" film, un thriller redondant et sans grands éclats narratifs dont les clichés sont indignes de la licence -le méchant est un salaud de Russe-. Trébuchant entre ses deux axes, Chris Carter tente de sauver le bateau par tous les moyens, écopant par ici (la scène de la piscine, dérangeante), colmatant par là (la sous-intrigue du Dr Scully, touchante). Mais accouche fatalement d'une histoire écrite à la truelle, tellement bancale qu'elle manque de prendre une tournure réac lorsqu'elle s'intéresse au Père Joseph, sans cesse mis face à son passé de criminel sexuel par une Dana Scully devenue juge et parti.
Malgré un dernier acte dont le glauque renvoie à certaines idées folles de la série, X-Files Régénération ne mérite pas vraiment son sous-titre français. Au gré d'images grappillées de-ci de-là, nous pouvons entrevoir le film que Chris Carter a sans doute voulu faire. Un film sur l'humain confronté à ses croyances propres, recherchant la vérité en s'affranchissant de toute barrière spirituelle pour toucher au-delà. Un propos oscillant entre individualisme farouche et mysticisme dont le film ne se fait jamais l'écrin, ne retrouvant jamais la finesse et le mystère de certains épisodes au sujet plus ou moins similaire. En assumant sa démarche, Chris Carter aurait eu le droit de faire un mauvais film, on aurait pardonné et salué l'audace. Par excès de prudence, il ne livre qu'une sorte de téléfilm, certes sombre, certes regardable, mais sans grand intérêt. Et devant la chose et la tristesse qu’elle suscite, il n'y a guère que l'amour que porte votre serviteur aux chiens à deux têtes qui lui fait mettre la moyenne.