Whatever Works
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 03/07/2009 (Tags : woody whatever works allen for film boris
Depuis le temps qu'on dit de lui qu‘il tourne en rond et qu'il se répète, il fallait bien que ça arrive vraiment : ce nouveau Woody Allen, on l'a déjà vu. Vivement qu'il revienne tourner en Europe.
Whatever Works s'ouvre sur la chanson de Groucho Marx I must be going (« il faut que j'y aille »). Un moyen de caractériser l'odieux personnage principal du film, ou de signifier que Woody a tiré ses dernières cartouches et essaye de s'éclipser ? On le croit capable de surprendre à nouveau, ses dernières réalisations l'ont prouvé, mais celui-ci ne constitue qu'une compilation bâclée de ses thèmes favoris, un bouche-trou dans une filmographie qui se doit de comporter coûte que coûte un ajout par an. Le fait que le scénario soit supposé dater du milieu des années 70 (il était écrit à l'origine pour Zero Mostel, décédé en 1977) n'arrange rien : l'écriture du Woody d'alors manque de maturité, et la réalisation du Woody d'aujourd'hui
semble s'en désintéresser.
Boris Yellnikov (Larry David) est le roi des bougons et le gourou de la misanthropie. Lorsqu'il rencontre la jeune Melodie (Evan Rachel Wood), il ne fait pas grand cas de cette écervelée dont il est séparé par plusieurs décennies et un paquet de points de QI. Pourtant, les deux êtres vont se rapprocher, s'enrichir l'un l'autre, etc.
Larry David fêtait ses 62 ans hier, bon anniversaire, et mène essentiellement une carrière de comique de scène. Il a coproduit la série des années 90 Seinfeld, dans laquelle il jouait régulièrement, mais n'apparaît depuis dix ans que dans sa série Curb your enthusiasm où il joue son propre rôle, faisant de ponctuelles apparitions en guest stars (en tant que lui-même) dans d'autres séries. Faut-il chercher dans ce constat la raison de son jeu étrange et égocentré, parfois hésitant et rarement en phase avec celui de ses partenaires, ou s'agit-il d'un choix délibéré (ou de négligence !) de la part de Woody Allen ? Ses apartés au spectateur, balourds et mal maîtrisés, ne se contentent pas de rappeler que le cinéaste new-yorkais a déjà usé de cet artifice par le passé : ils plombent le récit. Heureusement, quelques dialogues parviennent à trouver le pétillement qu'on attendait en voyant Woody revenir à son habitat naturel (New York, qu'il avait délaissé depuis le raté Melinda et Melinda en 2004), mais tout paraît vu et revu sans qu'on puisse s'accrocher à un seul développement nouveau : la jeunette qui craque pour le
"Sois franche : qu'est-ce que tu
penses de ma façon de m'habiller ?"vieillard contre toute logique (un fantasme allénien qui s'est souvent révélé irritant), les discussions au restau sur la religion et la politique, les gags à base d'opposition métaphysique / prosaïsme (« la vie n'a pas de sens, mais je ne veux pas que ça gâche votre soirée »)... Boris appartient à cette famille de personnages que Woody Allen aurait pu interpréter lui-même à peu de choses près (John Cusack dans Coups de feu sur Broadway, Kenneth Branagh dans Celebrity), mais il n'aurait sans doute pas eu l'aspect teigneux que Larry David lui insuffle à force de grommellements.
Débouchant sur une leçon de vie déjà désuète (ah bon, l'éducation religieuse cul-serré ne rend pas forcément heureux ? sans déconner ?) et dispensée par un type qui peine à profiter de la vie, Whatever Works se regarde comme un vague feel-good téléfilm (bien qu'il se défende expressément d'en être un !), et donne surtout envie de passer rapidement au prochain film du réalisateur. Il s'apprête à le tourner à Paris, youpi. La dernière fois, c'était pour Tout le monde dit I love you, qui est un de ses meilleurs.