7.5/10Valse avec Bachir

/ Critique - écrit par riffhifi, le 02/07/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Béroutant (Fiche technique)

Tags : avec film ari folman bachir valse guerre

Un film fort et impressionnant, qui revient sur les massacres perpétrés à Beyrouth il y a vingt ans. Dommage (ou pas) que la fin joue la carte de l'agression frontale. On n'en ressort pas indemne.

Au dernier festival de Cannes, plusieurs films de la compétition officielle ont été désignés par la presse comme les « grands oubliés » du palmarès. Valse avec Bachir est de ceux-là. Ce dessin animé israélien doit pourtant, selon les propres dires de son réalisateur Ari Folman, sa découverte et sa distribution aux organisateurs de Cannes. Il ne serait peut-être pas diffusé aussi largement en salles s'il n'avait pas été placé sous les feux des projecteurs de la Croisette...

De quoi est-il question dans un dessin animé qui porte un nom de danse ? De la guerre. De l'atrocité de l'être humain, et de sa capacité à faire abstraction de ce qui risque de le rendre fou. Valse avec Bachir est conçu comme un reportage, Ari ayant décidé de faire le tour de ses anciens compagnons de régiment pour repeindre le tableau des massacres de Sabra et Chatila, survenus au Liban dans les années 80. Son cerveau à lui a préféré poser l'éteignoir de l'oubli sur ces évènements...


Le thème n'est pas neuf, il est évident que la guerre est une épouvante éprouvante, et que le petit gars qui part fleur au fusil, pensant vivre un remake des aventures de Oui-Oui, rentre le plus souvent traumatisé à vie d'avoir vu des humains comme lui transformés sans raison en steaks tartare. Mais neuf ou pas, il n'est jamais mauvais de lui faire prendre l'air, d'autant que Ari Folman est particulièrement bien placé pour le traiter. Pourtant, on peut reprocher au film sa volonté de suivre le personnage-narrateur-réalisateur de trop près dans sa quête du souvenir : les scènes de dialogue et les témoignages, bien que leur existence à la base du projet ait probablement été indispensable à Folman scénariste, ont pour principal effet de ralentir le film et de montrer ses limites de « dessin animé réaliste » en prouvant son incapacité à rendre vivants de tels moments. Malgré son cachet unique, l'aspect graphique du film, dont les dessins sont basés sur des prises de vue réelles mais pas rotoscopées (redessinées exactement sur les prises de vue, comme
A scanner darkly), peut dérouter par moments, voire paraître sommaire, et ne se prête qu'assez peu aux séquences "normales" du fait même de son réalisme, qui devient redondant.

Il y en a un qui se croit à la fois dans Apocalypse now et dans Rocky
Il y en a un qui se croit à la fois
dans Apocalypse now et dans Rocky
Là où Folman excelle, c'est donc plutôt dans la recréation des rêves ou du passé, dans les scènes reconstituées à l'aide des témoignages et de ses propres souvenirs. Dans le rêve des chiens en ouverture, dans celui des jeunes hommes qui sortent de l'eau. Dans les scènes, à la limite du clip, d'arrivée des soldats au Liban sur fond de musique rock ; et dans celle, bien entendu, de valse avec Bachir. Bachir Gemayel, président libanais assassiné en 1982, trois semaines après son élection, avant même qu'il ait pu prêter serment ; une figure qui flotte sur une partie du film, sans en faire pour autant une œuvre politique. Ari Folman raconte la guerre à hauteur humaine, et a pour ambition de décourager le spectateur de s'en resservir une rasade à la prochaine occasion. Il semble même avoir honte de se laisser aller à l'esthétisant, au baroque, à l'envoûtant : de peur que le public prenne goût à cette vision, le réalisateur lui inflige quelques minutes d'horreur pure en fin de métrage. Un excès de zèle qui a le mérite d'être efficace, mais ne vous laissera pas sortir serein de la salle de cinéma. Mais certains spectateurs sauront faire abstraction, tel ce photographe de guerre qui parvient à considérer les évènements qui l'entourent comme un simple spectacle. Ne jugeons pas cette imperméabilité, du moment qu'elle n'est pas le terreau de la récidive.