A scanner darkly
Cinéma / Critique - écrit par Vincent.L, le 21/09/2006 (Tags : film linklater richard cinema scanner darkly films
Dark future
Déjanté, halluciné, dément, les qualificatifs sont multiples pour décrire A Scanner Darkly. Un film unique de Richard Linklater qui prouve une nouvelle fois qu'il est un des meilleurs réalisateurs américains de ces quinze dernières années. Qui d'autre que l'initiateur de films aussi réussis et originaux que Dazed and Confused, Before Sunrise, Tape, Waking Life ou encore Before Sunset aurait pu parvenir à si bien adapter le livre Substance mort de Philip K. Dick ? Probablement personne... ou presque. Avant d'arriver entre ses mains, le projet est passé sur la table du scénariste Charlie Kaufman (Dans la peau de John Malkovich, Adaptation, Eternal Sunshine of the Spotless Mind) et de Terry Gilliam (Brazil, Las Vegas Parano, Tideland). On y retrouve ainsi toute la folie et l'imagination, aussi bien visuelle que scénaristique, de ces deux autres artistes hors du commun.
L'entrée dans cet univers paranoïaque, totalement frénétique, dérangé et drogué, est un peu rude. Mais la poursuite du voyage invite à s'éclipser dans des bulles psychédéliques inoubliables. Les amateurs de drogues adoreront, tout comme les esprits imaginatifs. Le film est aussi bien drôle dans les trips délirants qu'il met en scène, que perturbant dans les cauchemars paranos et inquiétants qu'il propose. Les yeux et l'esprit du spectateur sont constamment ballottés d'une incertitude à une autre, d'un complot à une manipulation, d'une piste à un trou noir.
Comme dans le très bavard Waking Life en 2001, Richard Linklater a utilisé une singulière technique de réalisation. Le long métrage a ainsi été tourné en numérique, puis les images filmées ont été retouchées par des artistes utilisant un programme d'animation étonnant. Le résultat se situe perpétuellement entre rêve et réalité, gêne et jouissance. Le cerveau ne parvient jamais vraiment à s'adapter à ce processus. Même s'il essaye de rationaliser les visuels qu'il a devant lui, l'instabilité des rendus le surprend à chaque instant. Toutes les scènes de morphing incessants sont captivantes et ont du demander des heures de travail. Mais derrière ces claques graphiques, il y a aussi des acteurs. Un Keanu Reeves inspiré dans son jeu malade, un Robert Downey Jr. qui n'a pas trop besoin de forcer la dose pour être crédible en junkie, un Woody Harrelson amusant et une Winona Ryder toute aussi séduisante en dessin.
Richard Linklater parvient en outre à enchaîner les retournements et à créer de grandioses atmosphères fantasmagoriques. L'omniprésence de la musique sombre et discrète de Graham Reynolds aide à nous emporter dans les différents trips. Tout le propos sur la drogue est pertinent, portant le film très haut dans la dénonciation. Allant au moins aussi loin que le Requiem for a Dream de Darren Aronofsky. Comme souvent chez K. Dick, les machinations gouvernementales sont terrifiantes et l'espoir est quasiment absent. En sortant de là, l'addiction au film est née. Il ne reste plus qu'à retourner se doper pour capter tous les détails de cette excursion extraordinaire.