Les vacances de M. Hulot
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 22/03/2003 (Le ciel bleu, le sable fin, et M. Hulot
Le nez en l'air, la pipe serrée entre les dents, M. Hulot part en vacances à bord de son épave de véhicule pétaradant. Il s'installe à l'Hôtel de la Plage, où se retrouvent bon nombre d'autres vacanciers. Hulot est un personnage haut en couleurs puisqu'aussi gauche que spontané, et il devient vite un véritable phénomène. Il va bouleverser peu à peu les vacances de tous ses compagnons.
Les premiers pas de Monsieur Hulot, le personnage fictif créé de toutes pièces par un certain Jacques Tati, auteur, metteur en scène et acteur français qui ne tarda pas à devenir célèbre dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale en France et aussi à l'étranger (voir sa biographie dans la critique de Jour de Fête, un de ses autres succès).
Les Vacances de M. Hulot contribuèrent largement à son succès retentissant: le Prix Louis Delluc, le Prix de la Critique Internationale, le Prix Femina, le deuxième Prix du meilleur film étranger en Suède en 1954, le Golden Laurel Award au festival d'Edimburgh en 1958... le film fut encore élu meilleur film de l'année à Cuba en 1954.
Dans ce film, Tati s'amuse une nouvelle fois à conjuguer les atouts de la poésie et ceux de la comédie pour dresser une douce satire sociale de la France d'après-guerre. Tati se moque habilement des Français en vacances et les gags en tous genres affluent. Tout en créant une véritable carte postale animée d'un simple bord de mer, Tati en profite pour inventer des personnages à la fois différents les uns des autres et tous aussi loufoques les uns que les autres: le commandant, l'hôtelier, les deux promeneurs...
Que dire de M. Hulot? Que sa maladresse est irrésistible ? Que sa façon d'être est pour le moins cocasse et que son allure d'enfant adulte, un tantinet lunaire, ne saurait exister tant il semble être à des milles des autres vacanciers ? C'est bien cet écart qui créée une marge de manoeuvre pour que Tati laisse libre cours à son talent unique de comédie, certes, mais également de réflexion et de mise en scène d'idées personnifiées.
On est un peu ému par M. Hulot et par tous ces vacanciers censés représenter ceux des années 50. Mais il est tellement agréable de constater que finalement, peu de choses ont changé. Nous sommes toujours les mêmes quand il s'agit de prendre du bon temps et de quitter pour quelques temps la civilisation. Et M. Hulot, encore lui, vient bouleverser la vie de vacanciers un peu mornes et visiblement épuisés par leur travail quotidien. Hulot est un extraterrestre que l'on aimerait bien connaître pour de vrai, tant il pourrait nous distraire et nous détendre.
Pour moi, présenter Les Vacances de M. Hulot dix ans après, c'est un peu comme si on préparait la sortie dans le monde d'un de ses enfants qui soudain a grandi : on veille à sa toilette, on lui met une cravate, on change sa coupe de cheveux. J'ai donc refait le son - la qualité d'enregistrement s'est beaucoup améliorée depuis - et j'ai donné au film un mouvement plus accéléré. En 1952 on dansait des slows, les vacances s'accordaient au rythme des trompettes bouchées, aujourd'hui on passe du cha-cha-cha au twist, on attend moins, on est pressé. (Jacques Tati, Le Monde, 17 février 1962)