James Bond : Skyfall, la confirmation
Cinéma / Critique - écrit par Loïc Massaïa, le 01/11/2012 (Tags : bond james film skyfall craig daniel tournage
Après le reboot réussi de la franchise, avec Casino royale en 2006, le James Bond suivant, Quantum of solace (2008), avait plutôt déçu. La surprise du nouveau traitement plus réaliste passée, cet opus n'avait rien apporté de vraiment neuf. Autant dire que Skyfall était attendu au tournant, surtout que Sam Mendes en est aux commandes. Oui, Mendes, l'homme d'American Beauty, des Sentiers de la perdition et des Noces rebelles. Un habitué des oscars, réalisateur incontournable du cinéma indépendant américain, plus célèbre pour sa direction d'acteur que pour ses scènes d'action, en somme.
Choix étonnant donc, qui m'a fait aller voir ce film par curiosité, moi qui suis plutôt allergique aux James Bond en règle générale.
Le regard émerge de l'ombreL'ouverture du film, où James apparaît en ombre chinoise, accompagné des deux premières notes annonciatrices du célèbre thème musical, m'a fait rire. J'ai trouvé ça ridicule. Tellement, pensais-je, que ça devait être fait pour. Sur le coup j'ai même cru qu'on nous passait OSS 117... Mais finalement, à la fin du film, on comprend ce que Mendes à voulu dire avec cette introduction: "Hey les gars, voici, James Bond, l'icone (représentée par l'ombre chinoise) aux codes préétablis (sa posture, fidèle à l'imagerie bondienne, et la musique) que vous avez tous l'habitude de voir". Mais en cassant la musique, il nous révèle aussi qu'il ne faut pas s'attendre à voir une énième caricature de l'espion anglais (comme la période Pierce Brosnan a pu nous donner). Puis, lorsque Daniel Craig avance vers la caméra et fait sortir son visage de l'ombre, révélant son regard sombre et viril, nous avons la confirmation que James Bond, le mythe iconographique, ne sera pas de ce film. Dans ce regard, pourtant si fugitif, on ressent la psychologie d'un personnage finalement torturé, qui en a vu des vertes et des pas mûres. On est loin du dandy décomplexé que nous avions l'habitude de voir.
Ainsi, le film poursuit bien le chemin tracé par Casino Royale, plus crédible, plus réaliste, plus sombre. Mais il lui ajoute une dimension plus intime aussi, où le héros ne se bat plus pour une mission ou un pays, mais pour ses propres convictions. Le rôle du grand méchant est lui aussi écrit sur ce même principe, Javier Bardem incarnant à merveille la folie douce d'un homme qui ne cherche pas à flatter son propre égo par la quête de pouvoir, mais qui tente plutôt de d'effacer une souffrance psychologique par la vengeance pure et simple.
Ainsi, si les figures incarnées par Bond et son ennemi ne sont pas fondamentalement changées (on reste sur l'axe classique du bien contre le mal), c'est plus leurs rapports qui ont été affinés, dépassant l'idée de symbole pour quelque chose de plus humain. Mais ne vous inquiétez pas, la dose de testosteronne est toujours là, mais plus subtilement dosée. En est la preuve, le rôle joué par la James Bond Girl, rapidement expédié, lui aussi symptomatique de cette volonté de casser les schémas.
X-men ou au Silence des agneaux ?Bien entendu, tout n'est pas magnifique et fabuleux. Sinon la note serait bien meilleure (notez que les fans de ce type de film, dont je ne fais pas partie, le noteraient certainement plus que je l'ai fait). L'histoire, bien que plutôt bien ficelé, ne surprend pas réellement. Difficile de passer après The Dark Knight, dont le scénar et les thématiques sont assez proches. Sam Mendes, bien qu'assez brillant ici, ne parvient pas à dépasser ses modèles, et ses références sont un peu trop évidentes et confère une impression de déjà-vu assez lassante. La fin aussi, symbolisant le retour aux sources, ne se prive pas de symboles un peu trop appuyés, avec ses flammes, sa glace et sa chapelle.
Au final, on pourrait surtout lui reprocher ce que beaucoup acquiescent justement : à savoir de moins jouer sur cet aspect iconique. Finalement moins fascinant, James Bond est ramené à un niveau à peine un cran au dessus du commun des mortels. Sa dimension mythologique est mise à mal, surtout qu'il n'est pas mieux loti que la quasi-totalité des héros hollywoodiens actuels, Jason Bourne en tête de liste. Pour l'instant le succès est au rendez-vous, car les enfants qui ont été fascinés par le personnage ont grandi et mûri. Mais ceux d'aujourd'hui qui découvrent le personnage incarné par Daniel Craig, lui confèreront-il le même statut mythique en grandissant? L'avenir nous le dira.