OSS 117 - De Jean Bruce à Jean Dujardin
Cinéma / Dossier - écrit par riffhifi, le 14/04/2009Tags : oss jean bruce dujardin hubert films film
2009 marque les soixante ans de l'agent OSS 117, alias Hubert Bonisseur de la Bath. 255 livres, 12 films, le personnage est devenu un objet de dérision au moment même où James Bond recommençait à se prendre au sérieux.
Les plus jeunes pensent que le personnage est né il y a trois ans, avec le premier opus interprété par Jean Dujardin. Les amateurs de culture populaire plus ancienne se souviennent que le sieur Hubert Bonisseur de la Bath était le contrepoint français de James Bond dans les années 50 (en littérature) et 60 (au cinéma). Pourtant, le héros de Ian Fleming n'a été créé qu'en 1953, alors qu'OSS 117 voyait le jour dès 1949...
1949-1992 : Les livres
Jean Bruce, appelé en réalité Jean Brochet, naît le 22 mars 1921. Membre d'Interpol, aviateur durant la guerre puis Résistant actif, il est aussi bien placé que ses confrères Conan Doyle, Ian Fleming ou Leslie Charteris pour créer un héros
mythique. Hubert Bonisseur de la Bath, avec son nom à coucher dehors et ses origines moitié françaises moitié américaines, apparaît sous la plume de Bruce en 1949, dans le roman Tu parles d'une ingénue ! (plus tard retitré Ici OSS 117). Capable de livrer 5 à 10 romans par an consacrés à son héros, l'auteur laisse 88 titres derrière lui lorsqu'il meurt prématurément en 1963, d'un bête accident de voiture ; cette même année, il avait déjà eu le temps de publier Valse viennoise pour OSS 117 et OSS 117 à Mexico. Sa veuve Josette Bruce prend le relais à partir de 1966 avec Les anges de Los Angeles, et produit pas moins de 143 aventures jusqu'en 1985, date de son dernier opus Anathème à Athènes pour OSS 117. Elle laisse alors le flambeau aux deux enfants, François et Martine Bruce, qui n'ont le courage d'écrire "que" 24 livres, de 1987 à 1992. Romans de gare simplistes et souvent écrits à la va-vite, les OSS 117 n'en sont pas moins d'amusantes galeries de clichés aux titres sympathiques émaillés de jeux de mots (la série du Poulpe saura s'en souvenir).
1957-1960 : OSS se fait les dents
1957En 1957, soit cinq ans avant James Bond contre Dr. No, OSS 117 connaît sa première transposition cinématographique. Réalisé en noir et blanc par Jean Sacha, OSS 117 n'est pas mort est adapté du roman OSS 117 n'était pas mort, et met en scène Ivan Desny dans le rôle-titre. Le succès est modéré, le film est aujourd'hui sacrément introuvable. Trois ans plus tard, c'est Michel Piccoli qui interprète le personnage dans Le bal des espions de Michel Clément... mais sous le nom de Brian Cannon : les droits du roman Documents à vendre n'étant pas libre d'adaptation à l'époque, les scénaristes durent gommer le nom d'OSS 117 !
1963-1968 : OSS crève l'écran
Pas de bol, ce n'est que quelques mois après la mort de Jean Bruce que sa création connaîtra un réel succès au cinéma. En réponse aux James Bond britanniques, la France décoche OSS 117 se déchaîne en 1963, d'après le roman OSS 117 prend le maquis. Toujours réalisé en noir et blanc, le film d'André Hunebelle met en scène Kerwin Mathews, qui s'est illustré à Hollywood dans quelques naïvetés féériques comme Les voyages de Gulliver ou Le septième voyage de Sinbad. Dès l'année suivante, Mathews rempile, en couleurs cette fois,
1964dans Banco à Bangkok pour OSS 117. Dans cette aventure kitschouille bien réjouissante adapté de Lila de Calcutta, le méchant est incarné par Robert Hossein. En 1965, André Hunebelle est toujours aux commandes mais Hubert est interprété par le débutant Frederick Stafford, ex-homme d'affaires repéré sur une plage pour ses capacités athlétiques et son charme : Furia à Bahia pour OSS 117, tiré du roman Dernier quart d'heure, trahit le peu d'expérience de sa vedette, qui a le mérite de moins cabotiner que Mathews mais se contente de filer des tatanes aux adversaires jetés sur sa route. Atout cœur à Tokyo pour OSS 117, co-écrit par Terence Young (réalisateur de plusieurs James Bond) et réalisé par Michel Boisrond, voit Stafford faire quelques progrès et se débattre dans un film globalement bien rigolo, malgré le Japon de pacotille que recréent les décorateurs à l'aide de quelques bonsaïs bien placés. En 1967, Cinq gars pour Singapour est à la fois une adaptation littérale et un hors-série, puisque le héros interprété par Sean Flynn (fils d'Errol Flynn) est mystérieusement renommé Art Smith... Six films en six ans : Pas de roses pour OSS 117 clôt la période de grâce du personnage ; adapté du roman de Josette Bruce Pas de roses à Ispahan, l'épisode accueille John Gavin (vu dans Psychose) dans le rôle du héros, et voit Robert Hossein revenir le temps d'un petit coucou. Entre-temps, Kerwin Mathews s'est vengé de son éviction en jouant dans Le Vicomte règle ses comptes en 1966, tiré d'un roman de Jean Bruce consacré à un autre personnage : Clint de la Roche, dit ‘Le Vicomte'. Les années 60 dans leur globalité furent surchargées d'histoires d'agents secrets, de Coplan agent secret FX-18 à L'honorable Stanislas, en passant par les séries américaines Des agents très spéciaux, Max la Menace ou Les espions...
1970-1971 : OSS a un coup de mou
1971Surdose internationale d'espionnage, fatigue de la production française ? Hubert Bonisseur de la Bath n'est plus l'objet que de deux productions poussives au début des années 70 : la semi-parodie OSS 117 prend des vacances en 1970 (d'après le roman de Josette Bruce Vacances pour OSS 117) et OSS 117 tue le taon en 1971, un téléfilm qui porte pour la première fois le titre exact du roman dont il est adapté ! Interprété par Luc Merenda dans le premier et Alan Scott dans le deuxième, OSS 117 ne suscite déjà plus l'enthousiasme et s'en va continuer sa carrière purement littéraire durant quelques décennies.
2006-2009 : OSS rigole bien
En 2006, Michel Hazanavicius et Jean-François Halin s'en vont déterrer le personnage pour épingler les clichés de l'espionnage et les travers du Français des années 50. Le résultat s'appelle OSS 117 - Le Caire nid d'espions, et prend la forme d'un hommage élégant aux films exotiques de cette époque, tout en offrant à Jean Dujardin un rôle de crétin arrogant et déphasé assez savoureux. Le scénario
2009est lointainement adapté du roman de Jean Bruce OSS 117 au Liban : L'arsenal sautera, mais le film assume pleinement son statut de parodie. La même année, James Bond faisait le chemin inverse en rebootant sa franchise avec le plus grand sérieux dans Casino Royale. Si 007 enfonçait le clou il y a quelques mois avec l'inintéressant Quantum of Solace, Hub' continue son opération détente : situé une dizaine d'années après les évènements du premier film, OSS 117 - Rio ne répond plus plonge le personnage de Dujardin en plein mouvement contestataire des années 60.