Le Nouveau Monde
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 15/02/2006 (
Il aura fallu sept ans à Terrence Malick pour reprendre la caméra de réalisateur. Et estimons-nous heureux, car près de vingt années ont séparé La Ligne Rouge (1998) des Moissons du Ciel (1979). A l'instar de certains réalisateurs, Malick cultive le mystère, mais aussi le succès. Car si ses films n'ont jamais explosé le box-office ou fait de razzia sur les oscars, ils ont au moins le mérite d'avoir su trouver leur public, et de se dépareiller des produits finement huilés des grandes machines hollywoodiennes.
Début du XVIIème siècle. Trois bateaux de la Virginia Company accostent en Amérique du Nord pour y installer une colonie. Les relations avec les indigènes locaux se détériorant petit à petit, les colons doivent impérativement trouver de quoi survivre, et ils envoient donc le capitaine John Smith (Colin Farrell) négocier avec le chef des indiens. Sur le point d'être mis à mort, il est sauvé par Pocahontas (Q'orianka Kilcher), une jeune indienne...
Terrence Malick n'est pas du genre à entrer dans le moule. Ce qu'il veut montrer, ce qu'il recherche, il ne le trouve pas dans l'exposition ou la débauche sentimentale, ni dans l'effet gratuit ; tout est ici question de sensibilité. Ses oeuvres échappent aux codes et aux clichés du genre, même si elles-mêmes répondent à leurs propres lois, généralement rythmées par les douloureuses introspections voix-off de ses protagonistes. La caméra est voluptueuse, humble ; le montage est calme, lancinant, désordonné tout en étant cohérent, fait penser à un rêve dépourvu du superflu. Les personnages ne sont pas faits de marbre, peuvent disparaître à n'importe quel moment pour n'importe quelle raison, quel que soit le visage et sa notoriété. Tout ça, c'est un film de Terrence Malick. Et c'est Le Nouveau Monde. Arraché aux mains de Disney, Malick revisite le mythe de Pocahontas et lui donne une nouvelle jeunesse, n'en garde que la poésie, l'habille de ses distingués atours. Son style est toujours palpable : si les hommes de La Ligne Rouge s'interrogeaient sur la mort et le sens de la guerre, ceux du Nouveau Monde pensent à l'amour, à Dieu, et à la nature. Malick obtient tout : ses acteurs expriment plus qu'ils ne parlent, trouvent le ton juste dans un simple regard, ne cachent rien. Ils sont justes, parfois à la limite, mais justes, pas un mot ou une image plus haute que l'autre. Les extrêmes ne sont jamais atteints : on ne rit pas, on ne pleure pas. On se laisse porter par la vision de cet homme, profondément attaché aux questions métaphysiques et à la nature, qui nous emmène d'un point à l'autre de l'histoire avec volupté et savoir-faire. Son seul problème, en définitive, est peut-être de vouloir trop en faire, de s'asseoir sur une scène en négligeant une autre, un sentiment sans doute amené par des successifs remontages.
Un beau film brillamment mis en image, alternant bons sentiments, sauvagerie, paysages naturels, et questions métaphysiques. Le montage et la réalisation, empreints du talent et de la vision de Terrence Malick, ne parviennent néanmoins pas à faire oublier les quelques longueurs parfois problématiques.