7.5/10Morse

/ Critique - écrit par nazonfly, le 23/02/2009
Notre verdict : 7.5/10 - Eli, Eli Oskaaaar (Fiche technique)

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Morse est un beau film, calme et fluide comme un hiver en Suède, où la violence rouge sang tache l'épais manteau neigeux.

Oskar est une jeune tête blonde suédoise, un des gamins qui préfèrent lire plutôt que de jouer avec leurs camarades, et qui du coup sont les souffre-douleur des petites brutes en herbe. Un de ces solitaires magnifiés par Bastien de L'histoire sans fin dont ne sait trop s'ils sont seuls par nécessité ou par choix. L'arrivée d'un père et de son enfant, Eli, dans l'appartement juste à côté de chez Oskar, va considérablement changer la donne.

Art gothique ?

Philippe Katherine jeune
Philippe Katherine jeune
Eventons tout de suite le faux suspense. De toute façon, ce n'est pas vraiment un suspense vu que Morse a été primé au Festival de Gérardmer, on se doute qu'il y a du fantastique là-dessous. Eli est un vampire. Les vampires sont en général totalement glamour, vêtus de noir, voire d'une ample cape, l'air mélancolique avec un regard chargé du poids des siècles, et dont le seul but est de boire le sain calice sanguin d'une douce et innocente jeune fille (les jeunes filles sont toutes douces et innocentes). Parfois le côté monstrueux, animal ressort quand le vampire oublie son côté humain pour se délecter, un sourire aux lèvres, de l'abominable breuvage rouge. Ici Eli ressemble à une jeune fille de 12 ans, souvent revêtue d'un pyjama. Le cercueil dans lequel le vampire dort est pour le moins original. Morse n'hésite pas à passer outre le fatras gothique accompagnant généralement : pas de regard de braise venu du passé, pas de vêtements en cuir à la Underworld, pas de crucifix brandis contre le monstre. Seul la presque habituelle histoire d'amour, un amour impossible évidemment, subsiste encore et toujours. Oskar et Eli, tous les deux solitaires, se lient vite d'amité avant que de nouveaux sentiments émergent. Mais quand quand la faim prend le vampire, une faim d'ailleurs assortie de jolis gargouillis dans Morse, le monstre ressurgit, brisant l'espoir né de l'amour.

Froid, neige et sang

L'école de la vie
L'école de la vie
Mais ce qui surprend le plus dans ce film, c'est que du début à la fin, il n'a rien d'un film vampirique conventionnel. Au contraire, son esthétique et son rythme tiennent plus du film d'art et d'essai que du film d'horreur. La Suède enneigée des années 80, véritable linceul recouvrant traces et preuves, et ouatant la nuit d'un silence salvateur, donne à Morse une atmosphère particulière, où les couleurs froides et la tristesse règnent en maîtres. Le réalisateur se plait aussi dans de longs plans artistiques, filmant pendant de nombreuses secondes la neige qui tombe ou les arbres couverts de neige, secoués par le vent. Il laisse ainsi le film se dérouler sans heurts, tout en fluidité... Seules les attaques d'Eli secouent cet univers tranquille. Et secouent la vie d'Oskar. Pour lui, l'arrivée du vampire est l'occasion de se libérer de ses jeunes agresseurs, de sa famille même. Le petit enfant est en train de devenir adulte. Il y a d'ailleurs une certaine tension sexuelle entre Oskar et ce vampire qui semble avoir 12 ans (mais qui est certainement plus âgé), et on peine à connaître la relation entre Eli et son "père". Apparemment le livre dont est tiré le film va encore plus loin dans cette idée, puisqu'il aborde de front la pédophilie. Mais sans doute le sujet était trop délicat pour le cinéma.

Morse, en adoptant une forme plutôt originale, propose une vision plutôt inhabituelle du mythe du vampire, loin des clichés gothiques, sans s'éloigner de ce qu'est un vampire : une créature tiraillée entre une humanité oubliée et une monstruosité difficile à assumer. Mais surtout c'est l'histoire d'un enfant libéré par une histoire d'amour ambiguë.