Micmacs à tire-larigot
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 06/11/2009 (Tags : film jean jeunet pierre micmacs larigot bazil
Un petit Jeunet, qui recycle un peu poussivement les univers de ses films précédents pour étoffer une charge assez primaire contre les marchands d'armes. Les idées bouillonnent, mais n'ont pas grand-chose à cuire.
Un film de Jean-Pierre Jeunet, c'est rare. Moins rare qu'un film de Marc Caro, mais suffisamment rare pour être guetté avec avidité. Jugez plutôt : Micmacs à tire-larigot n'est que le troisième film de la décennie pour le cinéaste, après Le fabuleux destin d'Amélie Poulain en 2001 et Un long dimanche de fiançailles en 2004. C'est ainsi : scrupuleux et obsessionnel, Jeunet a besoin de quatre-cinq ans pour faire un film, là où la moyenne de ses confrères en prennent environ deux. Autant dire qu'il est rageant d'être déçu par sa dernière livraison, une comédie qui porte la patte de son auteur mais manque d'ambition, de fond et de folie.
Bazil (Dany Boon, remplaçant Jamel Debbouze ayant claqué la porte) a deux
raisons d'en vouloir à l'industrie de l'armement : lorsqu'il était enfant, il a perdu son père à cause d'une mine en Afrique ; et une fois adulte, il s'est fait tirer dessus par erreur dans un règlement de comptes, laissant sa boîte crânienne encombrée d'une balle de revolver qui lui cause quelques soucis. Parmi ces soucis, son nouveau statut : il est devenu SDF. Heureusement pour lui, il fait la rencontre d'une bande de joyeux drilles qui vont l'aider à prendre sa revanche sur les marchands de mort. Placard (Jean-Pierre Marielle), Fracasse (Dominique Pinon, incontournable chez Jeunet), la môme caoutchouc (Julie Ferrier), Tambouille (Yolande Moreau), Remington (Omar Sy, sans Fred c'est toujours mieux), Petit Pierre (Michel Cremades) et Calculette (Marie-Julie Baup) vont mettre leurs talents particuliers au service de la vengeance de Bazil...
Après le drame, Jeunet revient à la légèreté. Malgré le thème de l'armement, Micmacs est une comédie, et se situe logiquement à la croisée de Delicatessen et d'Amélie Poulain : du premier, on retrouve les personnages hauts en couleurs, l'humour parfois noir et le goût des toits parigots (guettez le clin d'œil direct au premier film de Jeunet & Caro) ; du deuxième, l'ancrage dans un Paris identifié et
contemporain (le tramway, Internet...) et la propension à accumuler les listes à la Prévert, les idées issues de petits carnets et recasées au petit bonheur la chance. Mais jamais on ne retrouve le cynisme de Delicatessen ou la fraîcheur d'Amélie, ni la poésie qui imbibait les deux. Jeunet maîtrise son propre style, fait de gros plans en grand angle, d'une photographie à la teinte jaunâtre, d'une prolifération de bidules bricolos qui le placent dans un gotha de cinéastes créatifs et reconnaissables comme Tim Burton, Terry Gilliam ou Michel Gondry. Mais le scénario n'est pas à la hauteur de la forme : ici, il n'est question que de donner une fessée déculottée à deux grands vilains (car figurez-vous que vendre des armes, c'est mal, ça tue des gens), interprétés par André Dussollier et Nicolas Marié, comme si la scène de punition de l'épicier dans Amélie avait été étirée sur 1h40 sans autre élément d'intrigue.
A y bien regarder, Micmacs à tire-larigot n'est pas une extension très éloquente de l'œuvre de Jeunet, ni une réflexion sophistiquée sur l'armement. C'est un épisode double de la série Mission: impossible. Une équipe de spécialistes pittoresques, des méchants à châtier sans violence. Une machination astucieuse, des gadgets, un peu de suspense, pas trop d'émotion. La seule différence, c'est que Jim Phelps et son équipe sont ici des chiffonniers, et que le ton privilégie l'humour à l'espionnage. Sympathique, mais trop simplet pour être à la hauteur de son potentiel.