Mars Attacks!
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 04/03/2010 (Tags : film mars burton attacks tim comedie films
Les envahisseurs de Tim Burton sont colorés, facétieux, turbulents, et jouent aux quilles avec un casting de stars nageant dans l'autodérision. Un grand défouloir porté par l'une des meilleures bandes originales de Danny Elfman.
Lorsque Mars Attacks débarque sur les écrans en février 1997, le public vient
Mars Brothersd'essuyer la vision d'Independence Day, avec son premier degré patriotique, ses bons sentiments et son chien qui survit à toutes les catastrophes. Les deux films traitent d'une invasion extraterrestre mondiale comme on en fantasmait dans les années 50, avec soucoupes rondes et destructions massives, et tous deux se parent d'un casting luxueux au sommet duquel se distingue la figure du président américain. Pourtant, les approches de Roland Emmerich et Tim Burton se révèlent aussi diamétralement opposées que possible. Si le premier s'attachait à exhorter les valeurs humaines et nationales les plus ronflantes à coups de musique grandiloquente, le deuxième préfère privilégier le jeu de massacre jubilatoire, respectant ainsi le matériau dont Mars Attacks s'inspire : une collection de trading cards des années 60, dans laquelle des petits aliens en combinaison s'amusaient à détruire des monuments, à pratiquer des expériences sur des animaux, etc.
Attention, invasion de spoilers droit devant !
Respectant apparemment les canons du genre, Burton aligne les figures incontournables : le président des USA (Jack Nicholson), la Première Dame (Glenn Close), leur fille (Natalie Portman), le chef de l'armée (Rod Steiger), "le"
Les trading cards Toppsscientifique (Pierce Brosnan), le couple de journalistes (Michael J. Fox et Sarah Jessica Parker), le patron de casino qui compte profiter de la situation (Jack Nicholson again, grimé comme un petit fou !), le jeune soldat prêt à risquer sa vie pour son pays (Jack Black)... Mais s'il met en place cette galerie de clichés, c'est pour mieux les réduire en bouillie par la suite, piétinant les conventions qui veulent que les animaux et les patriotes survivent systématiquement. Dans Mars Attacks, tout personnage est susceptible de quitter la scène sur un simple coup de rayon laser, car les envahisseurs ne sont pas sélectifs. Apparentés à une nuée de gamins désobéissants armés de pistolets à eaux (mortels, littéralement), les Martiens sèment le chaos sans aucune pitié, animés par la seule envie de rigoler à nos dépends. Ni l'armée ni la science ne peuvent les arrêter, encore moins les bons sentiments ou la diplomatie. Seuls capables de s'interposer : les gosses adeptes de jeux vidéo, les geeks maigrichons et les mamies séniles. On peut y voir l'expression d'une constante dans le cinéma de Tim Burton : le réalisateur a toujours offert sa sympathie aux parias et aux louftingues opprimés par un monde de sérieux et de normalité forcée. Mais dans le cas présent, on note surtout que le moyen d'éliminer les Martiens est l'utilisation d'une chanson (un twist emprunté au classique potager L'attaque des tomates tueuses, mais également croisé dans le sketch Bioman des Inconnus !), et que la poignée de survivants est dominée par un Tom Jones qui prend l'initiative de donner de la voix pour fêter l'évènement. Comme dans Ed Wood, Burton clame son goût pour la sous-culture, pour des artistes ratés ou ringards qu'il aimera toujours cent fois plus que n'importe quel financier, militaire ou politicien, aussi accompli soit-il. Pour vaincre la sauvagerie et l'anarchie, il écarte l'option de la civilisation pour préférer celle de l'art. Une optique peace and love un peu facile, mais qui offre une bouffée d'air frais dans le cadre du film.
Jack under attackVisuellement, Mars Attacks marque l'arrivée des effets spéciaux numériques chez un cinéaste qui a pourtant donné ses dernières lettres de noblesse à l'animation image par image. Deux ans plus tôt, il chapeautait L'étrange Noël de Monsieur Jack avec la réussite esthétique que l'on sait, et l'irruption d'une armée en images de synthèse ne manque pas de dérouter. Vus avec treize ans de recul, les effets spéciaux paraissent même particulièrement factices, et confinent au dessin animé, ce qui n'est pas forcément un mal si l'on considère l'aspect délibérément pop et coloré des extraterrestres. Le côté lisse des images n'empêche pas pour autant les références aux classiques, et les soucoupes évoquent immanquablement celles de Ray Harryhausen dans Les soucoupes volantes attaquent, voire celles du Plan 9 de... Ed Wood ! La musique participe à l'hommage, et constitue probablement une des compositions les plus mémorables de Danny Elfman, pourtant loin du registre gothique qu'il affectionne. Donnant à la fois la mesure d'une marche martiale et l'aspect aérien de la composante science-fictionnelle, il évoque les bandes originales des années 50 (on pense à la musique de Bernard Herrmann pour Le jour où la Terre s'arrêta) tout en possédant le style propre d'Elfman. Un accompagnement de haut vol pour un divertissement cruel et joyeux.