La légende de Beowulf
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 02/12/2007 (Beowulf est de retour en motion capture. C'est moins rigolo que le Lambert, mais ce n'est pas encore ça...
Cela vous est tous arrivé dans votre vie (si ce n’est pas le cas, faites comme si). Vous dormez, tranquillement, et votre voisin du dessous met sa musique très forte et commence à faire la fête. Du coup, vous n'êtes pas content, parce que d'une part, vous n'avez pas été invité, et de deux, tout ce vacarme empêche le marchand de sable de venir vous voir. Grendel, pour sa part, a une solution toute trouvée à ce délicat problème : lorsque les Vikings d'en bas l'empêchent de roupiller en festoyant, il descend de sa montagne et massacre tout le monde. Trouvant ce voisin fort mauvais coucheur, le Roi Hrothgar décide de lui envoyer Beowulf en représailles. Beowulf, héros indomptable, pourfendeur de monstres, mythomane et fort en gueule, va apprendre à ses dépends que chaque action entraîne une réaction.
" Par les burnes d'Odin !!"
Après un Pôle Express mi-figue mi-raisin qui laissait déjà entrevoir quelque chose, Robert Zemeckis continu l'expérimentation de la "motion capture" et du tout numérique, avec davantage de maîtrise et un changement de registre radical. Regarder La Légende de Beowulf nous fait ressentir ce qu'on probablement du ressentir les premiers spectateurs de Tron dans les années 80. Un palier a été franchi. Reste à savoir si il faut le saluer ou au contraire en craindre le point de non-retour. Un peu des deux sans doute. Avec La Légende de Beowulf et en attendant Avatar de James Cameron, le cinéma comme l'image de synthèse semblent au bord d'une nouvelle ère où tout reste à déblayer. Les perspectives de mise en scène s'annoncent impressionnantes et Robert Zemeckis ne se gène pas pour s'amuser avec son nouveau jouet. Mais ira-t-on, à terme, vers la fin des vrais films en durs, avec des acteurs de chair et de sang et des décors naturels ? Être réalisateur, cela signifiera-t-il un jour se retrouver à la tête d'un bataillon d'infographistes ? Un film comme 300 suffisait déjà à s'en inquiéter.
Le pantalon, quelle belle invention
En soi, La Légende de Beowulf n'est pas un mauvais film. En traitant le mythe de Beowulf par une voie inattendue, celle d'un guerrier vaniteux que les épreuves entraînent sur la voie de l'humilité, en s'interrogeant sur la part humaine des héros et le pouvoir des légendes, l'histoire se permet une subtilité bienvenue, tout en offrant au spectateur ce qu'il était venu chercher : du muscle et des monstres. Tourné "pour de vrai", tout ceci aurait donné un classique de l'Heroic Fantasy, voire même, dans sa dernière partie, aurait constitué un excellent palliatif à un King Conan qui n'en fini plus d'être annoncé/annulé. Seulement, Zemeckis a fait le pari de la technologie, et il le paye. A l'image, malgré la fluidité des mouvements, on sent une technique encore balbutiante. Les personnages sont inexpressifs ou manquent de consistance, certains décors sont douteux (là où d'autres sont magnifiques) et le rendu général est assez curieux, allant du photoréaliste au jeu-vidéo (God of War n'est jamais loin), en passant par d'étranges mélanges rappelant, ironie du sort, les effets d'optique des vieux Péplums. La "re-création" en image de synthèse est elle-même très inégale et il n'est par rare de voir un acteur bien modélisé tailler le bout de gras à un autre qui sonne indéniablement faux. La pauvre Angelina Jolie en fait d'ailleurs les frais, chacune de ses apparitions semblant sortir d'un dessin animé. Dommage, sa très sensuelle composition de démon méritait que l'on s'y attarde pour d'autres raisons. Ne serait-ce que pour l'érotisme suggéré qu'elle apporte au film, notamment lorsque nue et ruisselante, elle liquéfie l'épée de Beowulf en lui appliquant un va et vient explicite. Une scène qui nous rappelle que le concept de créature n'est pas incompatible avec une certaine beauté, ni avec une certaine dimension sexuelle.
"Tu as vu ma grosse épée ?'
A l'arrivée, on se pose donc surtout des questions. Le film est-il bon ? Il n'est pas mauvais en tout cas, un peu sanglant, gentiment paillard et doté de quelques belles créatures. Cela valait-il le coup de se payer Anthony Hopkins, Angelina Jolie ou John Malkovich pour en faire des doubles numériques parfois très laids ? Sans doute pas. Et Beowulf dans tout ça ? Entre Christophe Lambert et la démonstration technique, il est toujours damné. Hin hin hin...
NB : cette critique s’appuie sur une version "plate" vue en salle. Il est cependant évident à l’écran que le film a été conçu et tourné pour être vu en 3D, comme cela n'est possible que dans une poignée de salles en France.