The Killer Inside Me
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 04/08/2010 (Casey Affleck en serial killer sous la caméra de Michael Winterbottom, c'est une invitation au voyage dans un Texas rétro et un esprit déviant. Mais le résultat est un peu trop froid pour remporter l'adhésion.
Avant sa mort en 1977, la relation de Jim Thompson avec l'écran était un peu frustrante : deux scénarios pour Stanley Kubrick (son nom fut oublié dans l'ombre de celui du maître), quelques épisodes de séries télé, et deux adaptations seulement de ses multiples romans noirs. Depuis son trépas, il a pourtant été
adapté pas moins de dix fois, aussi bien par des cinéastes anglophones que par des compatriotes comme Bertrand Tavernier (Coup de torchon) et Alain Corneau (Série noire). Ce mois-ci, c'est l'Anglais Michael Winterbottom qui s'attaque à son œuvre, en adaptant le roman The Killer Inside Me, l'un des deux titres portés à l'écran du vivant de leur auteur (le film est sorti à l'époque en France sous le titre Ordure de flic). S'il fallait une preuve immédiate de la dissemblance entre les deux versions, on pointerait que le rôle tenu par Stacy Keach l'est désormais par Casey Affleck...
Shérif, fais-moi mal
Lou Ford (Casey Affleck, apparemment abonné à ce patronyme depuis qu'il a joué Bob Ford) est un jeune shérif texan apparemment sans histoire. Pourtant, il est animé de pulsions d'une violence inouïe, d'une histoire familiale compliquée et d'un esprit revanchard qui vont le mener sur la voie du meurtre...
Depuis Henry, portrait of a serial killer, le cinéma a proposé à plusieurs reprises de s'identifier à un épouvantable psychopathe. Après être passé par la case American Psycho, ce sous-genre du thriller a gagné les écrans de télévision avec l'inestimable série Dexter, qui s'apprête à entamer sa cinquième saison. Avec sa
voix de fausset et sa carrure de salsifis, Casey Affleck n'a clairement pas le profil type pour assassiner brutalement ses congénères. Du coup, sa présence au casting est certainement la meilleure surprise au milieu des tartes à la crème que sont Jessica Alba en prostituée lascive, Kate Hudson en petite fiancée de l'Amérique, Bill Pullman en avocat décadent et surtout le Mentalist Simon Baker en policier perspicace.
Choisissant la voie de l'exploration d'un cerveau pervers, Winterbottom s'attarde sur le rapprochement que son personnage établit entre sexe et violence, allant jusqu'aux limites du voyeurisme et ménageant quelques scènes choc franchement éprouvantes. Malheureusement, il est difficile d'éprouver la moindre empathie pour l'auteur dépourvu d'émotions de ces meurtres révoltants. La logique de l'intrigue, implacable, l'emmène dans un tourbillon de violence sans jamais susciter de réelle culpabilité de sa part, et on finit par regarder l'ensemble d'un œil assez détaché, ce qui est un comble quand on considère le potentiel émotionnel en jeu. On se satisfera donc des méandres d'un thriller à rebondissements, agrémenté d'un casting bien huilé et d'un cadre pittoresque (le Texas redneck des années 50, avec ses accents et sa mentalité). Il reste à se demander si le film aurait été différent dans les mains d'Andrew Dominik, qui devait le réaliser en 2004 avec Tom Cruise avant que le projet ne capote ; il s'est finalement tourné en 2007 vers l'excellent western L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford... avec Casey Affleck (voir plus haut).