L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 15/10/2007 (L'homme qui tua Jesse James...
L'Ouest a ses légendes. Buffalo Bill, Calamity Jane... Et le gang des frères James, cinq desperados braqueurs de banques et de trains menés par deux frangins, dont le plus célèbre est incontestablement le cadet, Jesse (l'autre étant prénommé Frank). En revanche, la postérité ne retint pas le nom de l'homme qui tua Jesse James, bien qu'en son temps il fit sensation dans les conversations populaires.
Bob Ford (Casey Affleck) voue une admiration sans borne au gang des frères James, dont son grand frère Charley (Sam Rockwell) fait partie. 1881. Lorsque le gang se trouve amaigri de plusieurs membres, et ne compte plus que deux James en son sein, Bob est engagé pour l'attaque d'un train. Ce n'est que la première étape du voyage personnel qui le mènera à l'assassinat de Jesse (Brad Pitt), un homme au charisme surhumain mais à la psyché torturée...
James bonOn distingue généralement deux types de westerns : le modèle américain, basé sur une idéalisation des valeurs et des personnages, une sublimation de l'héroïsme de soldats nordistes ou de shérifs ultra-couillus et une propension à filmer de jolis couchers de soleil sur Monument Valley ; et le modèle européen, généralement italien (dit « spaghetti » pour les gastronomes), privilégiant l'humour et la violence, insistant sur la trivialité et la fourberie de cow-boys mal lavés et mus essentiellement par l'appât du gain. L'assassinat de Jesse James appartient à une troisième catégorie, plus difficile à cerner, qui s'attache aux personnages et aux ambiances pour transmettre à la fois la complexité des caractères (on a beau être cow-boy, on n'en est pas moins homme) et l'universalité des thèmes abordés. S'il fallait trouver des voisins de table à ce film, on penserait à Impitoyable de Clint Eastwood ou Dead Man de Jim Jarmusch... Vous remarquerez qu'on fait pire comme référence !
Avant de m'assassiner lâchement,
passe-moi le sucre, tu veux ?Au rythme des informations "historiques" (forcément sujettes à caution étant donné l'ancienneté des évènements) égrenées en voix off sur de sublimes séquences éthérées à la limite de l'onirisme, le film déroule avec une lenteur consommée l'évolution des relations entre Bob Ford et Jesse James, tout en peignant de solides portraits des personnages qui les entourent (Wood Hite, Dick Liddil...). On remarquera par ailleurs que la vie de l'Ouest vieillit prématurément les hommes, puisque qu'un Jesse James de 36 ans est joué par un Pitt de 44, et un Bob Ford de 20 ans par un Affleck de 32... Casey Affleck, le jeune frère de Ben, apporte une réalité touchante à ce personnage fluet, mal assuré mais bouillant de passion et d'envies ; un rôle difficile à tenir face au géant Brad Pitt, qui incarne le brigand bien-aimé avec un aplomb incroyable, donnant à chacune de ses apparitions une densité incroyable. Pitt est clairement un acteur majeur de sa génération, espérons qu'il ne se fourvoiera pas à la cinquantaine comme un De Niro égaré dans ses rôles de beaux-pères caricaturaux ou de mafieux auto-parodiques.
Démystificateur dans son approche de la légende (Jesse James est brutal et dépressif, les duels au soleil n'existent pas), le film parvient pourtant à sublimer ses personnages, à leur conférer une aura qui explique la popularité qu'ils eurent dans la presse et les mentalités de l'époque. En abordant une période et un homme aussi présents dans l'inconscient populaire, L'assassinat de Jesse James est à la fois une tranche d'histoire et une tranche de rêve. Un western crépusculaire, comme on dit, et un incontournable de l'année 2007.