K-19 : le piège des profondeurs
Cinéma / Critique - écrit par camite, le 10/05/2004 (Tags : film marin piege profondeurs guerre bigelow ford
Y a-t-il un commandant pour sauver le parti ?
En 1961, Soviétiques et Américains ont largement de quoi détruire toute la planète avec leurs arsenaux nucléaires respectifs. Afin de répondre aux sous-marins de la Navy qui ont Moscou dans la ligne du périscope, l'Etat Major communiste décide de poster son K-19 nucléaire à portée de Washington. Le commandement de l'engin est confié au capitaine Vostrikov, homme dont le sens du devoir ne saurait souffrir aucune mise en doute. Qualité qui peut rapidement devenir ambiguë, lorsque l'on a à son bord des hommes parfois maladroits et un armement susceptible de déclencher la guerre. Justement, une fuite de réacteur ne va pas tarder à faire vaciller le fragile équilibre géopolitique, déjà passablement tendu en cette période...
Le cinéma est décidément un art fascinant. Le « film de sous-marin » est, a priori, le genre de... genre qui finirait naturellement par tourner en rond au bout de quelques scénarios. Mais à Hollywood, certains producteurs doivent apprécier ce type de challenge qui consiste à faire d'un vieux pot une meilleure soupe, quitte à reprendre toujours le même contenant formel. En l'occurrence, la réalisatrice musclée Kathryn Bigelow s'est faite la périlleuse productrice d'un film qui n'aura pas émergé au box-office ricain. Ce qui n'est pas une raison pour ne pas chercher (et trouver) quelques qualités à son film. Bigelow apporte à un plat classique des ingrédients un peu plus pimentés qu'à l'accoutumé, à commencer par elle-même.
Que ce soit dans les scènes d'action, parfois étourdissantes de virtuosité et de tensions maîtrisées, ou dans les duels psychologiques entre officiers (mention spéciale à Ford et Neeson, sérieux comme un cancer de l'estomac), la donzelle montre qu'en terme de mise en scène, elle n'a de leçon à recevoir de pas grand monde.
Deuxième élément suffisamment rare pour le genre : la narration de K-19 ne suit que le point de vue des Soviétiques et jamais celui de l'ennemi américain (à ce propos, merci aux doubleurs de nous avoir épargné l'accent russe non-stop). Pourtant, la tentation d'en ajouter une couche dans le patriotisme grotesque (Pearl Harbor, ça vous rappelle quelque chose ?) n'est jamais loin dans ce type de récit (tiré d'événements réels), a fortiori à Hollywood. Le spectateur lambda pourra peut-être se trouver dérouté devant l'absence d'ennemi visible, limite avant-gardiste pour une production de cette envergure (100 millions de dollars, quand même). Sans compter les petites nuances scénaristiques se rapportant à la notion de devoir et de trahison, rendant parfois les réactions des protagonistes difficiles à décoder.
Mais malgré son sens évident de la mise en scène, Kathryn Bigelow ne nous épargne pas quelques longueurs, comme cette fin qui n'en finit plus de finir et dont le seul intérêt est de constater à quel point les maquilleurs savent bien vieillir les acteurs. Et on a beau être chez les Soviets, on n'échappe pas pour autant à la musique grandiloquente de circonstance.