Hunger Games
Cinéma / Critique - écrit par hiddenplace, le 22/03/2012 (Tags : hunger games katniss district jeux film peeta
Bien que le cortège des fans du roman Hunger Games soit moins abondant en France qu’aux États-Unis, il est certain que cette grosse poignée de lecteurs attend la sortie de l’adaptation au tournant, comme c’était le cas avec les transpositions d’Harry Potter. Quel que soit l’accueil réservé au film, il est en tout cas indéniable qu’il devrait grossir leurs rangs. Pour ceux qui n’auraient pas encore eu le loisir de se pencher sur la question, Hunger Games, qu’est-ce donc ? Une trilogie de romans pour adolescents (les lecteurs plus âgés sont invités aussi bien sûr) écrite par l’auteure américaine Suzanne Collins. Un best-seller dans son pays d’origine, et une cohorte grandissante de convertis en France. C’est Gary Ross (Pleasantville ; Pur Sang, la légende de Seabiscuit) qui est désigné pour retranscrire sur grand écran cette lecture pour le moins haletante.
Mais commençons par replanter le décor, à toutes fins utiles. Dans un univers futur, Katniss Everdeen est une citoyenne de 16 ans dans le district 12 de Panem, pays bâti sur les ruines des États-Unis. Le gouvernement en place, le Capitole, exerce un règne totalitaire sur les douze districts qui constituent le pays. Après l’échec d’une révolte 75 ans plus tôt puis la chute du 13ème district, afin d’intimider les douze restants, chaque année est mis en place un spectacle télévisé, les Hunger Games, auquel chaque citoyen de Panem doit assister, impuissant. Impuissant et horrifié, puisque dans chaque district, un garçon et une fille entre 12 et 18 ans sont tirés au sort pour être envoyés dans une « arène » et s’entretuer. Au total 24 jeunes candidats, appelés « tributs », et un seul survivant. Alors que contre toute attente, sa petite sœur Prim est tirée au sort, Katniss se porte volontaire pour prendre sa place dans les jeux. À l'instar du tribut masculin du district 12, Peeta Mellark, elle est bien loin d’imaginer ce qui l’attend.
Katniss à la Moisson du district 12
La première inquiétude qui occupe les lecteurs des romans adaptés au cinéma est souvent la même : la fidélité de la trame principale. Et pour cause, comment condenser à peu près 400 pages de narration en 2h35 de métrage sans en trahir le sens, le cadre et le rythme ? La série des Harry Potter, malgré sa considérable réussite en salles, en avait globalement fait les frais. Et bien rassurons d’emblée les adeptes de la trilogie : le film respecte en très grande partie non seulement l’histoire mais aussi l’esprit du roman. Malgré des coupes ou raccourcis inévitables, quelques personnages secondaires qui disparaissent, aucune de ces modifications n’est vraiment injurieuse – même si bien entendu, par pur sentimentalisme, on aurait aimé mettre un visage sur certains oubliés, pourtant moins nécessaires à l’intrigue. On assiste donc presque textuellement aux scènes d’origine. Second pari réussi : même sans être « dans la tête » de l’héroïne, le spectateur non lecteur n’aura aucune difficulté à suivre le récit. Une infime déception cependant : bien que fidèlement cernés, certains personnages restent trop en retrait au profit de la seule Katniss – qui inonde littéralement l’écran. Les relations entre elle et ses pairs restent légèrement moins développées : ainsi ses liens complexes avec le mentor Haymitch, le styliste Cinna, la petite Rue, ou même plus regrettablement Peeta Mellark auraient mérité un traitement plus approfondi. À l’opposé, certaines autres figures occupent une plus grande place que dans les romans, et permettent une meilleure compréhension des enjeux et mécanismes des Hunger Games : Seneca Crane, le concepteur du jeu, et son équipe au Capitole, sont davantage mis en avant.
Le choix du casting, en ce sens, est réellement pertinent, même s’il est parfois physiquement un peu éloigné du canon : Jennifer Lawrence (Katniss) sait se montrer tantôt touchante et réservée, tantôt fougueuse en combattante déterminée ; Josh Hutcherson (Peeta) reste sobre et rend son personnage attachant, sans doute moins charmeur et manipulateur de foules que son homologue littéraire. Une mention spéciale peut être accordée aux deux fillettes, Willow Shields et Amandla Stenberg, incarnant respectivement Prim, la sœur de Katniss, et Rue, la jeune tribut du district 11, qui parviennent en quelques scènes à charger l’atmosphère d’émotion et intensifier la tension. Les prestations de Woody Harrelson (Haymitch) et Lenny Kravitz (Cinna) sont honnêtes et sans esbroufe.
Cinna, Haymitch et Peeta au Capitole
La réalisation de Gary Ross oscille, en cohérence avec le propos du récit, entre représentation intimiste (la vie au district 12 avant la Moisson des tributs, la survie dans l’arène) et grandiloquente (tous les décors du Capitole). La façon de filmer diffère d’ailleurs dans chacune des postures : une caméra à l’épaule tremblotante et émotive doublée d’un beau grain terne et réaliste dans la première, et à contrario un cadrage en plan large, plus classique, et une effusion presque outrageuse de couleurs dans la seconde. Le choix d’ouvrir son film à un public large (aucune restriction d’âge) entraîne des partis pris moins radicaux que dans le texte d’origine : la plupart des combats sont plutôt suggérés, mettant de côté l’aspect assez gore de ces scènes dans le roman, pour se concentrer sur les stratégies, parfois plus rapidement percées à jour. On regrette juste que certains angles non négligeables de la survie (la faim, la soif, les blessures graves qui compromettent l’évolution des personnages) soient évincés. Mais l’ensemble n’en pâtit pas vraiment : d’une perception différente, l’action est bien présente, ce qui rend le film efficacement rythmé. Les focalisations constantes sur le visage de Katniss nous immergent totalement dans sa course et nous rallient à sa triste cause.
L’adaptation d’un roman très plébiscité qui parvient à se mettre dans les souliers de sa source d’inspiration, est un fait suffisamment rare pour le souligner. C’est le cas pour Hunger Games, grâce à son rythme haletant, sa galerie d’acteurs à la fois justes et convaincants, sa réalisation et sa photographie tour à tour graphiques et classiques. Mais c’est surtout cette volonté authentique et palpable de respecter l’esprit de l’œuvre tout en se mettant à la portée des néophytes qui est louable. Dans l’attente de la suite, nous espérons maintenant que les deux volets suivants sauront garder cette ambition.