District 9
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 30/09/2009 (Tags : district film blomkamp neill cinema science fiction
De la science-fiction au style rugueux et inédit, proposant une plongée sans gilet de sauvetage en pleine ségrégation humains-aliens. Un des grands films de l'année, révélant un cinéaste qu'on espère revoir rapidement à l'œuvre.
On nous bassine depuis un moment avec Avatar, le nouveau film de James Cameron qui sortira en décembre et nous décoiffera la moumoute en s'imposant instantanément comme LE film de science-fiction de l'année. Après avoir vu District 9, on se demande pourtant comment Papy Jim pourrait réussir à se hisser au niveau de cette claque. Malgré (ou grâce à) une promotion sibylline qui misait sur des affiches abstraites parfois traversées de faux slogans, le film a fait le plein de spectateurs dès sa première semaine d'exploitation, et le bouche-à-oreille commence à faire son effet...
Why can't we be friends ?Découvert par rien moins que Peter Jackson, le cinéaste sud-africain Neill Blomkamp travaille depuis quelques années dans le domaine des effets spéciaux : rien d'étonnant à le découvrir, pour son premier long, aux commandes d'un film de science-fiction dont la moitié des protagonistes sont des aliens mi-hommes mi-crevettes entièrement générés en images de synthèse. Première surprise : le résultat dépasse de très loin tout ce qui a pu être fait précédemment en la matière (oui oui, Peter Jackson compris), et donne réellement l'impression que les arthropodes humanoïdes étaient présents tels quels sur le plateau. Deuxième surprise : le film lui-même est loin du simple étalage de prouesse technique, et apparaît essentiellement comme une merveille d'écriture et de réalisation, immersive et intelligente. Les prémisses sont atypiques : les extraterrestres sont arrivés sur Terre en masse il y a 28 ans, mais ont été victimes d'une avarie de leur vaisseau et se sont retrouvés désorientés, sans commandement ni technologie. Le résultat : près de deux millions d'individus débarqués en plein Johannesburg, parqués par l'homme dans une réserve appelée District 9. Wikus Van de Merwe, employé modèle de l'agence MNU (Multi-National United) et beau-fils du patron, est chargé de relocaliser les aliens dans le nouveau camp appelé District 10, à quelques centaines de kilomètres de Johannesburg...
Lorsque le film commence, avec son aspect de simili-documentaire et ses interviews spontanées, on plonge dans la réalité présentée comme s'il s'agissait de la nôtre, tout en redoutant secrètement que le gadget de réalisation ne prenne
Malgré son faux air de Predator,
il s'agit bien d'une victimele pas sur la clarté ou l'intérêt de l'intrigue. Bonne nouvelle, le documentaire proprement dit cède la place en cours de route à une narration omnisciente, qui conserve toutefois le côté "caméra portée" et le réalisme ambiant. De l'un à l'autre, le ressenti est le même : cette communauté alien est une métaphore assez évidente des bidonvilles et des ghettos de notre monde, dont la misère flagrante est traitée de loin par ceux qui n'y vivent pas. Le mélange de crainte, de dégoût et de condescendance affiché par les hommes à l'égard des Crevettes paraît une réaction crédible, mais hélas à l'opposé des efforts de compréhension et d'échange que l'on pourrait espérer. Rapports de forces, trafics d'armes et de drogues (de la pâté pour chat !), les sujets abordés flirtent avec la réalité de bien près, mais le font avec la distance que permet la science-fiction, teintée d'une causticité bienvenue mais pas envahissante. Au-delà de cette étude sociale, le film possède une intrigue bien épicée et filmée avec les tripes, évoquant plusieurs classiques essentiels de la science-fiction horrifique : La Mouche, RoboCop, Starship Troopers...
Laissant délibérément plusieurs questions en suspens, ouvrant la fin vers une suite que l'on peut aussi bien espérer voir que se contenter d'imaginer, District 9 possède les épaules d'un classique instantané, un de ces films dont le titre apparaît en gras dans les bouquins consacrés au cinéma de science-fiction. Reste à voir si Neill Blomkamp survivra artistiquement à un premier film aussi marquant.