8/10Démineurs

/ Critique - écrit par Nicolas, le 01/03/2010
Notre verdict : 8/10 - Mine d'or (Fiche technique)

Tags : film demineurs bigelow kathryn guerre demineur cinema

Mis sur le devant de la scène grâce aux Oscars, Démineurs revient à la vie après une existence en salles des plus courtes. Un grand oublié de nos colonnes, malgré une somme de qualités inhabituelle pour un film de ce genre.

Passé quasiment inaperçu aux yeux du grand public, le film a néanmoins fait son petit bonhomme de chemin parmi les professionnels, pour finalement aboutir sur une série de récompenses plutôt impressionnantes. Sans compter qu'il est maintenant le principal concurrent d'Avatar à la course aux Oscars, alors que son budget doit atteindre un montant environ vingt fois inférieur à celui-ci. Inconsidéré, Démineurs l'a certainement été au début de sa carrière. Sa nouvelle notoriété, portée par son parcours critique, lui prédit une seconde vie en DVD et Blu-Ray, plus ou moins importante selon ses résultats aux Oscars.

Démineurs prend place au début de l'année 2003, alors que les Etats-Unis sont une nouvelle fois englués dans un affrontement direct avec l'Irak.
Le film de guerre n'est pas une nouveauté, encore moins sur le conflit américain / irakien des trente dernières années, mais quelques réalisateurs ont su y donner un nouveau visage ces dernières années, notamment Redacted de Brian De Palma, et Mensonges d'état de Ridley Scott. Démineurs a une vocation assez proche : film de guerre, oui, mais d'un point de vue très différent du soldat de base. Comme son nom l'indique, l'idée sera de suivre le quotidien trépidant d'une équipe de déminage.
Pas de conflit de masse, donc. Juste un trio de personnages, voués non pas à l'affrontement direct, mais à la préservation de la vie humaine. En ce sens, il ne faut pas s'attendre à une effusion de sang ou à des scènes de fusillades nerveuses, bien que le film comporte son lot d'affreusetés indissociables de la guerre. L'exemple le plus parlant est cette scène centrale, où l'équipe de déminage est prise pour cible par un petit groupe de tireurs isolés. Si l'événement n'a rien de la grosse scène d'action typée, la pression est palpable, dérangeante, s'étire en longueur pour mieux cultiver le suspense pesant de la situation. Le film dans sa globalité s'attaque aux tripes, par ce biais. La moindre erreur est fatale, tout est question de précision et de patience. Une dualité interne à l'équipe de déminage renforce cette impression de précarité : alors que le démineur est au plus proche de la bombe, à entretenir son calme et sa logique, le reste de l'équipe garde un œil constant sur l'environnement, les nerfs à vif, attentif au moindre mouvement suspect.
L'originalité du film lui octroie le loisir de s'attacher notre intérêt pendant toute sa durée, mais elle n'est néanmoins pas son unique attrait. La première phrase présentée nous amène à dire que Kathryn Bigelow, la réalisatrice, va une nouvelle fois s'attarder sur un des thèmes chers à sa filmographie : l'addiction au danger, aux situations extrêmes. « La guerre est une drogue », tels sont les mots utilisés en ouverture de ce long métrage. Le personnage principal de Démineurs est une tête brûlée, une mentalité inconsciente ne vivant que par son métier. Bigelow effleure cet état d'esprit, ne cherche pas à l'expliquer, et l'intègre au paysage sans en faire réellement un moteur scénaristique - même si le conflit entre les membres de l'équipe sera une constante. Le film n'a pas besoin de ça, et pourtant sa finalité n'en est que plus forte.
Car à l'inverse de beaucoup de récits de guerre, Démineurs présente des hommes n'existant que par la guerre, qui en tire un but, une force de vivre, une individualité. Ce simple fait s'additionne au malaise ambiant ressenti pendant le film, et lui confère quelques kilos de complexité supplémentaires, à discuter au-delà de la séance.
Choix quasiment évident, Kathryn Bigelow opte pour une réalisation à la documentaire. Elle alterne les types de caméra, multiple les changements de profondeur de champ, les zooms hasardeux, les angles établis à la va-vite, les tremblements « de terrain ». Le film y gagne son esthétique, assez commune tout en étant judicieuse, et renforce son côté terre-à-terre. La musique n'est pas excessivement présente, elle souligne l'action par ses notes répétitives, dans le but tout à fait louable d'augmenter le suspense et la pression exercés sur le spectateur. Tous ces traits de caractère ont évidemment plus d'impact sur le grand écran que sur le petit, mais le film n'en perd pas pour autant de sa superbe maîtrise et de son réalisme.

Sur un sujet vaste et usité, à savoir la guerre en Irak, Démineurs parvient à proposer un nouvel angle de vue très intéressant et convenablement maîtrisé par la réalisatrice Kathryn Bigelow. Aucun artifice superflu, le film se veut réaliste et oppressant, n'utilise ses têtes d'affiche (Ralph Fiennes, Guy Pearce, Evangeline Lilly) que pour mieux les rabaisser. Une manière de mettre en valeur les hommes de l'ombre, injustement considérés ? Quoi qu'il en soit, avec son budget plutôt maigre, Démineurs est incontestablement un des films majeurs de l'année 2009, à ne pas rater en DVD / Blu-Ray.