Clones
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 19/10/2009 (Tags : clones film critiques clone science clonage fiction
Bruce Willis dans un film de S-F solide, baignant directement dans les préoccupations de notre temps. Le réalisateur de Terminator 3 n'est toujours pas un génie visionnaire, mais reste un artisan consciencieux.
A l'origine, il y a un comic book publié en 2005-2006, inédit en France jusqu'à ce jour mais disponible chez Delcourt à partir du 21 octobre. A l'arrivée, il y a un blockbuster réalisé par Jonathan Mostow (U-571, Terminator 3), écrit par les scénaristes de Terminator 3 et Terminator renaissance, et surtout interprété par Bruce Willis, dont le statut de sauveur du monde survit aux yeux du public malgré la faiblesse de ses dernières apparitions au cinéma. Et en toile de fond, il y a un sujet de science-fiction que l'on ne peut s'empêcher de rapprocher de deux autres films sortis cette année : Ultimate Game et Avatar. Si le premier en propose une approche "fun" et le second s'annonce comme une version "définitive" en raison de la présence de James Cameron aux commandes, Clones (traduction imparfaite de Surrogates, qui signifie littéralement "Substitutifs") se pose en spectacle académique, bien dosé, sans génie mais suffisamment solide pour assurer à la
Bruce à cheveuxfois un moment de détente et de réflexion.
Dans un futur proche, l'homme a pris l'habitude d'endosser un robot pour accomplir la plupart de ses activités à travers lui. Ces "surrogates", construits et vendus par la société VSI, peuvent être à l'effigie de leur propriétaire (en plus jeune, plus beau et plus baraqué) ou être complètement différent, bénéficier ou non des derniers raffinements en terme de capacités physiques, etc. L'avantage, c'est qu'on peut vivre sa vie sans jamais sortir de chez soi, et ne s'exposer ainsi à aucune maladie, aucune violence, etc. Jusqu'au jour où deux humains sont tués en même temps que leurs robots, à l'aide d'une arme révolutionnaire. Les agents du FBI Tom Greer (Bruce Willis) et Jennifer Peters (Radha Mitchell) mènent l'enquête. Mais le premier commence à être lassé de vivre à travers son double, et de ne plus jamais voir sa femme Maggie (Rosamund Pike) en chair et en os...
Vivre par procuration est donc l'avenir de l'homme, à en croire le cinéma de cette année. Inquiétés par l'importance que prennent Internet et les jeux vidéos, les auteurs de science-fiction poussent à l'extrême la logique selon laquelle les gens aiment se livrer à la facilité d'être quelqu'un d'autre, sans risque ni effort. La fascination qu'exerce ce sujet sur les cinéastes est probablement doublée de la nature même de cet art : que recherche le spectateur, sinon une projection dans un personnage, une possibilité de vivre une histoire sans bouger de son siège ? Le sujet s'étoffe ici de la recherche d'une perfection physique qui renvoie là
Balai-Bruceencore aux préoccupations hollywoodiennes : voir un Bruce Willis rajeuni à coups de maquillages et d'effets spéciaux, l'air plus juvénile que dans la série des années 80 Clair de Lune, rappelle que les stars sont souvent les plus réfractaires au vieillissement... Ce qui n'est pas vraiment le cas de notre Willis, puisqu'il apparaît également en tant que lui-même, visage buriné et bouc grisonnant, regrettant l'érosion de ses sensations humaines. Dans ce rôle, on retrouve l'acteur qu'on a aimé dans les premiers Die Hard ou dans Incassable : le héros-malgré-lui abîmé par la vie, à l'équilibre mental chancelant, soucieux avant tout de sauver un couple fragile... L'approche intimiste des personnages, et la volonté de se poser sérieusement les questions liées au sujet de base, permettent au film de ne pas être une simple succession de scènes d'action (il y en a, pas de panique). On n'échappe pas au passage à la dose réglementaire de pathos, de violon et de prêchi-prêcha du leader rasta de la résistance humaine (Ving Rhames !), on croise un James Cromwell dans un rôle quasiment identique à celui qu'il tenait dans I, Robot (un film assez proche thématiquement et visuellement)... Au final, Clones ne révolutionne pas le genre mais l'investit de façon scrupuleuse et cohérente, tout en préservant un côté enquête-mystère qui, bien que lui aussi très conventionnel, ne gâte rien. Et Bruce Willis dans un premier rôle potable, c'est devenu trop rare pour se refuser.