La clef
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 21/12/2007 (Guillaume Nicloux revient à un cinéma plus personnel après la commande Le concile de pierre. Le retour d'un auteur ?
Guillaume Nicloux aurait pu être le sauveur du film noir français. Peut-être même le successeur de Jean-Pierre Melville, avec sa capacité à traiter ses sujets avec une sécheresse et une lenteur qui subliment les éclairs de violence qui les traversent. Réconciliant le naturalisme proche du quotidien cher au cinéma français avec les codes du film noir, son côté feuilletonesque et son pessimisme, Nicloux livrait il y a quelques années deux-trois perles qui avaient pour nom Le Poulpe ou Une affaire privée. Mais boudé par le grand public, le réalisateur se tourne provisoirement vers le film de commande, livrant Le concile de pierre à une critique charognarde qui se fait un plaisir de le massacrer. Difficile de satisfaire tout le monde.
Aujourd'hui, La clef est annoncée un peu abusivement comme le dernier volet d'une trilogie qui aurait été commencée par Une affaire privée (2002) et Cette femme-là (2003). Abusivement, car si le personnage de Thierry Lhermitte apparaît dans les trois et celui de Josiane Balasko dans les deux derniers, les histoires ne sont pas liées et ne partagent que leur ton désabusé et mystérieux. Nicloux déclare d'ailleurs qu'il n'a jamais conçu ces films comme faisant partie d'un ensemble, il s'est juste plu à faire revenir ses personnages d'un film à l'autre.
Eric Vincent (Guillaume Canet) est contacté par un inconnu qui lui déclare détenir les secrets de sa naissance. Eric n'a jamais connu son père ni sa mère, et hésite à plonger dans ce passé sans lequel il a réussi à vivre, d'autant plus que sa femme
Si tu avais du feu, ce serait le Paradis(Marie Gillain) a des envies de bébé qu'il ne sait pas comment aborder.
Pendant ce temps, le détective privé François Maneri (Thierry Lhermitte) apprend qu'il doit retrouver sa fille disparue s'il veut bénéficier d'une greffe de moelle osseuse et survivre à la maladie qui le ronge...
32 ans plus tôt, Michèle Varin (Josiane Balasko) enquête sur un meurtre...
Les trois personnages de Nicloux n'ont pas vocation à se croiser. Leurs destins se répondent, se frôlent, l'un éclaire l'autre... mais restent parallèles. Avec son style si particulier, d'une sobriété telle qu'elle confine parfois à la nudité, le réalisateur passe perpétuellement d'une histoire à l'autre, sans transition ni falbala. Caméra portée le plus souvent, image brute et privée de musique, montage abrupt, tout est réuni pour rendre crûment la densité des situations.
Ici, contrairement aux deux films précédents de la "trilogie", le personnage principal n'est pas un enquêteur professionnel, mais un quidam plongé dans la tourmente d'une intrigue qui le
J'ai la clef, mais je ne trouve pas la portedépasse en même temps qu'elle le touche personnellement. Du coup, c'est au spectateur de mener l'enquête, de se débrouiller avec le matériau qui lui est servi et de tirer ses conclusions à mesure que le film avance (lentement, mais c'est son charme). On peut regretter, dès lors, le côté trop explicatif de certaines scènes et une fin un peu trop convenue, là où Une affaire privée savait rester efficacement énigmatique. On se consolera en espérant que Nicloux retrouve le feu sacré (personne ne l'attend, mais pourquoi pas un Poulpe 2 ?), et en admirant la performance d'un Thierry Lhermitte magnifiquement décati, à des kilomètres de ses trop nombreuses performances alimentaires.
Décevant mais fidèle à la vision noire du réalisateur, La clef relancera peut-être, avec son casting jeune et vendeur (Guillaume Canet, Vanessa Paradis, Marie Gillain), la carrière d'un réalisateur qui en vaut la peine...