La chambre du fils
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 13/06/2002 (
Nous sommes à Ancône, un petit port du nord de l'Italie. Giovanni et Paola vivent en harmonie avec leurs deux adolescents : Irène, l'aînée et Andrea, le cadet. Giovanni mène une vie intense mais heureuse entre sa famille, ses patients et son jogging quotidien. Un dimanche, il est contraint d'annuler la promenade prévue avec son fils pour se rendre d'urgence auprès d'un de ses malheureux patients. Alors Andrea part faire de la plongée sous-marine avec ses amis.
Il ne reviendra pas.
La Chambre du Fils est un univers d'émotions et de sensations désagréables. Le film traite de la mort, et cherche par là à exprimer la douleur de ceux qui en sont les témoins directs : à savoir la famille d'Andrea. Comme disait, je crois, son réalisateur Nanni Moretti, il a été question de mettre en scène cette douleur et de retranscrire le plus précisément du monde la réaction de chacun des personnages principaux vis-à-vis de la terrible nouvelle.
Entre désarroi et sentiment de culpabilité, Giovanni, Paola et Irène sont des personnages purement authentiques. Là réside le principal atout de l'oeuvre : la mort est traitée sans aucune concession, sans poésie, sans métaphore. Elle et surtout ses implications sont abordées de front et les acteurs avoueront d'ailleurs plus tard avoir pleinement vécu cette triste épreuve tant sur les plateaux de tournage que dans leurs véritables existences.
Rendons hommage aux interprètes : Nanni Moretti en tête, qui reçut faut-il le rappeler la Palme d'or du Festival de Cannes 2001 pour ce film. Nanni Moretti qui a pris l'habitude de travailler devant et derrière la caméra depuis ses débuts. Rappelons qu'il est l'auteur de Aprile (1998), un film qui nous offrait d'assister à la naissance et aux premiers pas d'un enfant des yeux du père (curieuse inspiration que celle de présenter la naissance puis la mort à quelques mois d'intervalle). Rappelons également son Journal Intime (1993) au ton ironico-politique controversé.
Le très réfléchi personnage de Giovanni est le plus "épaissi" de tous, puisqu'il devient son propre patient avec la disparition de son fils. Lui et ses malades tiennent souvent des discours émouvants et instructifs... et il leur arrive à chacun d'être même amusant parfois.
Laura Morente est la douce et séduisante interprète de Paola, qui a joué dans des films aussi bien italiens que français (La Voix en 1992) ou portugais (Ao fim da Noite en 1991).
Jasmine Trinca -Irène- et Giuseppe Sanfelice -Andrea-, 18 et 16 ans, jouent juste dans des rôles pour le moins ardus.
Voilà donc pour le film qui fit sensation à Cannes et ailleurs à sa sortie en 2001. Un film incroyablement simple, sincère et touchant. Un film sans prétention, qui en dit beaucoup sans en montrer tant que çà. Les musiques, les décors et l'ambiance créée en évoquent suffisamment pour nous marquer profondément et nous faire réfléchir.
Les bonus du DVD n'ont pas été négligés : y figurent les images de la remise de la palme d'or, la conférence de presse qui suivit, une interview entrecoupée d'images des principaux acteurs ainsi qu'un court-métrage de Nanni Moretti : intitulé Il giorno della prima di Clode Up, il nous fait vivre, aux côtés de son réalisateur, les moments qui précèdent la sortie d'un film iranien en Italie. Nanni Moretti en profite pour se moquer gentiment du milieu du cinéma, de l'engouement aveugle du public pour les grosses productions en peignant le portrait d'un modeste cinéaste pour le moins anxieux. A voir, donc.