Alexandre
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 05/01/2005 (Tags : alexandre roi darius prenom perse macedoine armee
L'empire des non-sens
Baz Luhrmann en avait le projet, pensant se louer les services d'un DiCaprio peut-être mal adapté au rôle et d'une Nicole Kidman toujours aussi glamour après toutes ces années, mais c'est finalement Oliver Stone qui concrétisa. Mal lui en prit, puisque d'un budget de 150 millions de dollars, le film n'en récolta pas plus de 40 aux Etats-Unis. Inutile d'espérer que l'exportation comblera le déficit, et ça peut se comprendre. Cet Alexandre a peut-être été grand en réel, la taille n'est pas vraiment évidente en fiction...
Quarante années après la mort d'Alexandre (Colin Farrell) dit le Grand, Ptolémée (Anthony Hopkins), un de ses vaillants sujets, raconte la légende du Macédonien qui s'appropria le plus grand empire de tous les temps, et qui mourut dans des circonstances mystérieuses au cours de sa trente-troisième année...
« Rien à cirer des petits scrupules de réalisateur frileux ! Moi, Oliver Stone, je filmerai toute la vérité, rien que la vérité, sur Alexandre le Grand ! » Dès les dix premières minutes, les élans authentiques du Troie de Petersen prennent un petit coup dans l'aile : Patrocle est annoncé comme l'amant homosexuel d'Achille, petit détail qui nous aurait franchement amusé, nous les mecs, de voir associé à Brad Pitt. Colin Farrell, lui, n'y coupera pas. Son pote d'enfance, Héphaïstion, se révèle vite comme le petit amant qui n'a d'yeux que pour le fils du roi, et qui lui rend bien. Pourquoi j'en fais toute une histoire ? Parce qu'Oliver Stone en fait toute une histoire ! Ce n'est pas le périple d'Alexandre, ses conquêtes, son prétendu génie militaire qui sera mis en avant, mais bien sa lutte contre ses propres chimères, et ses démêlés pseudo-sentimentaux. Homo, hétéro, pas d'importance ou peu s'en faut, mais il y avait tant d'autres choses à raconter sur l'Alexandre des légendes qu'on se demande comment ce film peut-il tenir debout avec si peu. L'homme est tout de même parti de Macédoine pour finir en Inde, en passant par la Perse, l'Himalaya, la Phénicie, et une très grande partie de l'Asie. Dénichez une carte de son empire, vous serez étonnés de constater que le bonhomme possédait presque deux continents. Et ne comptez pas sur le film pour vous en montrer l'étendue ou la conquête épées aux poings. La bataille de Gaugamèles, et une autre contre une tribu d'hindous montés sur des éléphants très vindicatifs, voilà les deux seules rixes qui alimenteront les croisades d'Alexandre, sans pour autant mettre en avant les supposées ingénieuses stratégies du conquérant qui lui permirent d'obtenir sa série de victoires incontestées. A la place, un petit remous de folie et de témérité qui collent nettement plus à la vision que l'on pouvait avoir d'Alexandre, ou à celle qu'on espérait voir. Pas trop mal dirigées, mais bien inférieures aux références du genre, les deux batailles constituent sans aucun doutes les deux gros piques d'intérêt du film. En casting, on côtoie le bon et le mauvais. Chose rare lorsqu'il s'agit pour moi d'apprécier le jeu d'Angelina Jolie, traumatisé par Tomb Raider, j'avoue avoir été étonné par l'alchimie presque palpable de la concomitance des sentiments d'Olympias, mère d'Alexandre, qui livre sans contestation le personnage le plus vraisemblable et le plus intéressant de "l'épopée". Un peu plus en retrait, et dans le registre plus facile du père indigne soulard et ravagé par le temps, Val Kilmer se montre juste et correct, en tout cas bien davantage que la tête d'Irlandais choisie pour le rôle principal. Colin Farrell, coiffé d'une perruque emmêlée de Claude François, ronchonne et grimace avec l'inspiration des mauvais jours, oubliant au passage de donner charisme et crédibilité à un personnage mythique qui méritait peut-être mieux.
Amis historiens, amis des spectacles spectaculaires, et amis des grandes figures charismatiques, passez votre chemin ! Oliver Stone, visiblement pas très volontaire pour suivre les traces laissées par Troie, choisit l'angle difficilement acceptable pour approcher cet emblème mythique du nom d'Alexandre le Grand. Le réalisateur tente ici et là quelques effets de style, concentrés sur la fin, pas très bienvenus au regard d'un ensemble visuellement plutôt convaincant, mais cruellement vide.