Troie
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 14/05/2004 (Tags : troie guerre ville grecs fils cheval homere
« Pour un flirt avec toi, je ferais la guerre de Troie » (air connu)
Et tout ça pour une nana. Ils plaisantaient pas à l'époque. Oh, je sais, vous allez vous dire, « oui, il a rien à dire en intro, etc. etc. ». Et vous aurez raison. Car je suis persuadé que mes tares culturelles sur le récit d'Homère ne sont pas votre, ô généreux lecteurs, et que beaucoup s'impatientent déjà à reluquer le beau Brad Pitt en p'tite jupette. Et, si possible, s'offrir une belle tranche de spectacle avec des mâles bien huilés qui se heurtent avec d'autres mâles bien huilés. Manque de pot, c'est Wolfgang Petersen à la réalisation, pas un mauvais réalisateur, mais probablement pas l'homme de la situation.
Troie et Sparte étaient en paix. Au moins, jusqu'à ce que Paris (Orlando Bloom) enlève Hélène (Diane Kruger), la femme du roi de Sparte Ménélas, et la ramène à Troie. Le souverain, mécontent (et on le comprend), s'en va quérir le soutien de Agamemnon, roi des rois de Grèce, pour faire tomber la cité réputée imprenable. Agamemnon le sait bien : s'il veut gagner, il aura besoin d'Achille, le plus grand guerrier de tous les temps, un être incontrôlable et fougueux qui ne croit en rien. Probablement le seul à pouvoir défier Hector (Eric Bana), le champion de Troie...
On va éviter de pinailler des heures sur tel ou tel point du scénario, déblatérer des heures sur tel ou tel gars qui crève ou qui crève pas, et sur la réduction "Film-Fast" qui permet de retranscrire dix piges de guerre en deux ou trois heures. Ils ont adapté l'Iliade pour en faire un film, il y a du pour, du contre, mais l'important est que nous restions focalisés sur le métrage en lui-même. Donc, Brad Pitt enfile cuissarde, plastron de cuirasse, casque moche, et petite jupette sex (notez la jupette, notez notez) pour se bombarder Achille, le grand guerrier grec réputé invincible au corps musclé et huilé, à la lance leste et précise, et au caractère de cochon. A Troie, où il fait bon vivre (enfin jusque là), le beau Orlando Bloom (Paris, jupette) se ramène Diane Kruger, la femme de Ménélas, et met le feu aux poudres : Agamemnon, frère de Ménélas, y trouve un bon prétexte pour ruiner la ville fortifiée et tous ses habitants. Eric Bana (Hector, jupette), le champion of the champion de Troie, grogne un peu mais se résout vite à mener la bataille pour ses pairs. Attendez... Brad Pitt, Orlando Bloom, Eric Bana ? A en croire mon entourage, l'affiche est très ciblée population féminine. Les mecs pourront toujours se consoler avec la belle Hélène, une femme magnifique largement écartée au second plan, ce qui s'avèrera plus un atout qu'une tare. Car, on aura beau dire, c'est bien le trio de têtes d'affiche qui offrira les pires acting - prestations de tout le film, loin devant les autres. Sean Bean (jupette) notamment, le Boromir rescapé du Seigneur des Anneaux, extrait nettement mieux son épingle du jeu avec son petit rôle d'Ulysse. D'ailleurs, puisque l'on parle du Seigneur des Anneaux, difficile de regarder Troie sans le comparer à l'illustre trilogie. Vainqueur : Peter Jackson, assurément. Oh, Wolfgang Petersen avait les moyens matériels pour donner âme à sa guerre mythique, mais le manuel lui aura certainement fait défaut. L'épique n'aura pas lieu. Mais le gros plan sera, et si possible saupoudré de la « Bay Touch » qui n'est pas sans nous faire penser à une bouteille d'Orangina. Les batailles de lances façon Mikado, et les combats one to one chorégraphiés, il y aurait eu meilleur réalisateur.
J'ai beau m'acharner sauvagement sur Troie, mis à part les éléments que je viens de vous citer, reconnaissons que le reste se pavane d'un certain mérite. Si la caméra de Petersen n'affiche aucune ambition, elle fait son boulot et donne le minimum syndical de saveur à cette bataille un peu désuète. Et comme je l'ai sous-entendu plus haut, la médiocrité des premiers rôles font davantage honneur aux seconds, Ulysse et Agamemnon (jupette) en tête. On pourrait reprocher aux scénaristes d'avoir trop mis l'accent sur des valeurs très hollywoodiennes, comme le romantisme ou l'amour filial, d'avoir omis la quasi-intégralité des aspects mythologiques, et d'avoir fait de l'Iliade un énorme blockbuster finalement peu original. Oui, on pourrait, mais décollé de l'oeuvre originel, Troie se laisse voir et reste assez divertissant.
Un gros blockbuster pas trop mal construit, mais relativement mal filmé et d'une incomparable fadeur si l'on se prend à le comparer aux grands noms des batailles cinématographiques (Le Gondor ?). Brad Pitt, Orlando Bloom, et Eric Bana, pourtant aux honneurs de l'affiche, n'y semblent guère à leur convenance et ratent l'occasion d'insuffler talent et crédibilité à des personnages hauts en couleur de la mythologie grecque. Les deux heures passent, et l'ensemble divertit.