Un long dimanche de fiançailles
Cinéma / Critique - écrit par weirdkorn, le 29/10/2004 (Un loooooooong dimanche de fiançailles
Jean-Pierre Jeunet vient-il d'inventer un nouveau concept ? On le dirait. Bien que les suites soient à la mode et que l'on en trouve à toutes les sauces, leur image est encore loin de faire l'unanimité. C'est là qu'intervient le génie de Jeunet, réussissant à créer par l'intermédiaire d'Un long dimanche de fiançailles le système de la suite cachée. Son principe ? Reprendre tout ce qui a déjà été fait dans un premier film à succès pour le recoller quasiment tel quel dans le suivant. Vous l'aurez compris, Un long dimanche de fiançailles est une copie flagrante du Fabuleux destin d'Amélie Poulain. Alors rien que pour vous, on décrypte le système de la suite cachée en avant-première.
D'abord, l'histoire doit garder le même sens, les mêmes principes tout en étant différente. C'est sur ce dernier point que se joue toute l'évolution par rapport au film de base afin de faire oublier toutes les similitudes. Dans ce cas, l'histoire d'amour a été gardée comme thème principal avec la jeune femme recherchant son bien-aimé. Cette fois, l'héroïne ne découvre pas l'amour mais veut le retrouver ce qui revient sensiblement au même. La distinction provient alors de l'immersion dans la première guerre mondiale et dans la France des années 20.
Pour jouer des situations identiques, prenons les mêmes acteurs, telle est la règle numéro 2. Les interprètes restent les mêmes, seuls leurs noms ou leurs professions changent mais sans évolution psychologique. Soit, Mathieu Kassovitz n'est pas présent dans le film en raison de son âge un peu trop élevé pour le rôle du jeune premier mais il aurait parfaitement convenu quelques années plus tôt. Audrey Tautou est de nouveau le personnage principal jouant avec le même talent et la même gouaille que dans Amélie Poulain. Les seconds rôles restent identiques entre Dominique Pinon, Rufus ou Ticky Holgado mais en rajoutant Jodie Foster, Albert Dupontel, Clovis Cornillac ou encore Marion Cotillard. Bref, le casting est phénoménal mais leur fonction ne change pas du film précédent en amenant les situations décalées ou un aspect rigolo et touchant.
Il manque encore la règle numéro 3 de la suite cachée : conserver le même style de réalisation. L'aspect technique et narratif ne doit changer en rien. C'est sur ce point qu'Un long dimanche de fiançailles est semblable à Amélie Poulain. Les mêmes effets de style sont utilisés. Cela peut être l'utilisation de filtre, jaune pour l'héroïne et bleu pour la guerre, le fait de présenter tout le monde à la troisième personne ou d'utiliser les mêmes effets comiques, tout de même adaptés à l'époque. C'est simple, les cinq premières minutes sont les mêmes et le reste ne varie pas beaucoup.
Voilà les trois règles de la suite cachée, un concept que l'on pourrait bien retrouver de plus en plus souvent. Cela ne paraît guère réjouissant vue l'impression de revoir le même film mais qui s'avèrerait sympathique bien utilisé. Le principal problème vient de la perte de magie et de fraîcheur. Il n'y a plus rien de réellement novateur dans ce système et il faut trouver un moyen de garder le sens du rythme et de l'émotion. Jean-Pierre Jeunet se rate complètement dans cette première partie, faute à un récit beaucoup trop long et qui tourne en rond. L'intrigue ne prend pas et revient toujours au même point au bout de deux heures, l'ennui se faisant alors plus que ressentir. Seules les scènes au front permettent de changer d'atmosphère. L'émotion réussit à être conservée mais sans le charme que formait le couple du film précédent. Le personnage d'Audrey Tautou n'est pas foncièrement sympathique et son fiancé joue comme une patate (et encore, une patate peu douée). Il reste tout de même le sens de l'esthétique et de la mise en situation. Les décors et costumes sont réellement majestueux et la reconstitution de la grande guerre ou du Paris des années folles vaudrait presque le détour. Par contre, la Bretagne a l'air bien développée pour l'époque. Un agriculteur breton avec le téléphone, une voiture et une maison impeccable ne devait pas courir les rues à l'époque. On lui reprochera bien ce côté trop propre mais c'est chipoter devant un sens de la caméra qu'il est un des seuls à posséder en France.
Apparemment, Jean-Pierre Jeunet n'a pas dépassé le cap du fabuleux destin d'Amélie Poulain puisqu'il refait exactement pareil avec Un long dimanche de fiançailles. La magie s'est envolée, les longueurs prennent le dessus mais l'esthétique et le sens de la réalisation sont toujours là. Les fans vont être contents, les autres auront l'impression de revoir une copie du temps de la Grande Guerre. On aura au moins découvert le concept de la suite cachée.