3.5/10Public Enemies

/ Critique - écrit par riffhifi, le 12/07/2009
Notre verdict : 3.5/10 - Banques publiques (Chicago rive est) (Fiche technique)

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Johnny Depp s'ennuie sous la caméra numérique d'un Michael Mann aussi peu soucieux de réalité historique que de glamour. On retient essentiellement le volume sonore des fusillades.

Mort à tout juste 32 ans (ou supposé tel, si l'on se réfère à la théorie selon laquelle le FBI aurait abattu un autre homme), John Dillinger a pourtant presque toujours été incarné par des acteurs ayant dépassé cet âge : Leo Gordon avait 35 ans dans Baby Face Nelson en 1957 (ça va encore), Ralph Meeker avait 40 ans dans le téléfilm Dillinger en 1960, Warren Oates en avait 45 dans le Dillinger de John Milius en 1973, Robert Conrad 44 dans Du rouge pour un truand en 1979, et Martin Sheen avait carrément 55 ans dans Dillinger and Capone en 1995 (certes supposé avoir lieu cinq ans après sa "mort"...). Fidèle à la tradition, Michael Mann choisit un Johnny Depp de 46 ans pour endosser le rôle dans cette nouvelle adaptation des méfaits du célèbre gangster.

Michael Mann, après avoir opposé deux acteurs légendaires dans Heat en 1995 (Robert De Niro et Al Pacino, ne faites pas semblant d'avoir oublié), oppose ici une légende des années 30 (John Dillinger / Johnny Depp) à son chasseur Melvin Bale de nuit
Bale de nuit
Purvis (Christian Bale), agent du FBI mandaté par J. Edgar Hoover. De la même manière, les deux camps sont montrés à part égale, sans donner le beau rôle à l'un ou à l'autre. Mais loin de susciter la même excitation, le duel de Public Enemies tourne court, faute de donner le moindre relief aux deux figures en présence. Johnny Depp semble s'ennuyer à mourir dans un rôle d'une sobriété extrême, qui ne lui laisse que quelques minutes d'expression (sur 2h13 !) ; Christian Bale, de son côté, finit d'épuiser son quota de sympathie en prouvant qu'il joue de la même manière les rôles de Batman, d'un guerrier du futur et d'un G-man des années 30.

Depuis Collateral, Michael Mann et le cinéma numérique vivent une relation passionnée, et le fait de tourner un film situé en 1933 ne lui paraît pas une raison suffisante pour envisager de faire appel à la bonne vieille pellicule auquel le spectateur reste malgré tout habitué. Résultat : l'aspect de l'image évoque alternativement les téléfilms des années 70 et les reportages de guerre, avec un réalisme accru des scènes de flingage (attention les oreilles car le mixage est impitoyable, attention les yeux car le caméraman picole). Ce qui pourrait éventuellement donner au film des allures de documentaire, si deux éléments ne venaient s'interposer : d'une part le réalisateur aime malgré tout l'esthétisme, qui l'incite à fignoler un certain nombre de jolis plans au milieu du marasme ambiant, d'autre part le scénario se contente d'être un micmac de faits historiques mélangés Depp trouble
Depp trouble
sans aucun souci d'informer le spectateur sur la chronologie des évènements. La lecture de la page imdb consacrée aux gaffes, contre-vérités et anachronismes du film est éloquente...

Les acteurs font ce qu'ils peuvent dans leurs rôles respectifs, mais aucune personnalité ne sort du lot dans les équipes de Dillinger et Purvis (on note les noms de Giovanni Ribisi ou Stephen Dorff, mais leur présence dans le film est fantômatique) ; Marion Cotillard est une simple potiche destinée à assurer la parité, et ne jouit que d'une ou deux scènes fortes vers la fin ; quant à Billy Crudup, choisi pour incarner J. Edgar Hoover malgré son absence totale de ressemblance, il est réduit à livrer une curieuse imitation de Jeffrey Combs, l'acteur de Re-animator...

Bruyant, sans ampleur, dénué de psychologie (Purvis est-il obsédé par sa proie ou écœuré par les consignes de Hoover ? Dillinger est-il espiègle ou torturé ? comment sa réputation de Jesse James moderne s'est-elle construite aussi vite ?), bidouillant les faits sans pour autant en retenir les plus intrigants (le mystère qui a entouré sa mort douteuse), Public Enemies passe à côté de tout ce qui aurait pu faire son intérêt, et va même jusqu'à enterrer la musique d'Elliot Goldenthal sous les rafales de sulfateuses. Pour une fois, la France fait la nique à Hollywood : le Mesrine de Richet était à des années-lumière de ce ratage...