Le premier jour du reste de ta vie
Cinéma / Critique - écrit par knackimax, le 08/10/2008 (Film sensible et tellement représentatif des angoisses de chaque étape de la vie que les quelques heures que vous passerez dans la salle à le contempler ressembleront à s'y méprendre aux plus beaux jours de votre vie y compris les plus noirs.
Mariés, trois enfants, Robert et Marie-Jeanne voient leur aîné partir vivre sa vie loin d'eux. C'est l'occasion d'un dernier moment photo pour Zabou Breitman, mère de famille dédiée dont la vie commence à s'écrouler. Puis les décennies s'accélèrent et voient les relations se faire et se défaire, les enfants grandir et les parents vieillir. Et pendant que certains écrivent dans leur journal sur le premier jour du reste de leur vie, d'autres se cachent pour vivre, pour mourir ou encore pour pleurer.
Si le film est bercé d'une sensibilité sans commune mesure, c'est son côté unique qui lui permet de faire passer les clichés pour des moments volés, abandonnant le
mièvre à son triste sort. La symphonie de moments sincères qui prennent à parti la salle obscure dans des moments de joie et de détresse facilement identifiables à l'histoire de chacun donne un cachet inoubliable à cette comédie à la fois dramatique et pourtant si vraie. Et elle ne verse pas pour autant dans le cynisme ou les larmes faciles bien que le thème de la famille puisse être un exemple assez facile à déconstruire et à exploiter de manière maladroite. Ici la tranche de vie prévaut sur tout et se ressent dans le style même du film. A chaque décennie suffit sa peine et les polaroïds du générique livrés en 4/3 imitation séance de diapos se prolongent en mini séquences qui elles-mêmes définissent les chapitres de ce livre d'images. Pourtant l'affiche exprime bel et bien tout cela mais de manière maladroite, se badigeonnant d'un rose symbolique et d'images toutes faites d'enfants souriants.
Pourtant le thème de cet odyssée n'est pas le sourire, mais bel et bien ce qui donne des raisons de sourire, et c'est pour cela que les moments figés ne parlent pas assez. Même dans le mutisme, l'expression de l'adolescence est reine de tous les sentiments ainsi que l'est l'absence de photos sur un mur et c'est en jouant sur un scénario élégamment écrit et bien intentionné, ainsi que la présence des non-dits qui l'accompagnent, que l'on découvre toutes les teintes de ce film très franc et pourtant peu bruyant. De plus la vie des personnages s'accompagne de toutes ces musiques qui donnent un sens au discours, une excuse à la rébellion ou une explication au désir. Le rythme du film ne se relâche jamais et n'ennuie pas car l'atmosphère est intègre du début à la fin. Ce résultat surprenant est essentiellement dû au merveilleux équilibre familial créé par les acteurs. On se croirait dans le très bon C.R.A.Z.Y. qui partage, en plus de ses
atouts de fresque satirique à travers les âges, une de ses tête d'affiche. Marc-André Grondin, jeune québécois déjà prometteur dans le long métrage précédemment cité, est de loin le plus solide des jeunes acteurs du groupe tandis que Zabou Breitman et Jacques Gamblin, qui confirment ici leur expérience de l'écran et leur talent plein de sobriété, sont justes à l'inexactitude près et ce de bout en bout. Aucun d'entre eux ne surjoue son rôle et le naturel crève l'écran laissant parler les coeurs d'un monde en bouleversement perpétuel, celui des jeunes, des vieux et des enfants.
Un beau tableau plein d'espoir au final qui nous rappelle que sans cesse la vie est belle mais dure, mais belle. On en ressort bouleversé et assailli de questions silencieuses qui nous rappellent à notre souvenir ému les passages de nos vies qui nous ont fait grandir et les musiques qui ont jalonné ces étapes. On se retrouve alors à vivre les images toutes faites en repensant au film les jours qui suivent et un parfum de bonheur salé nous envoûte encore longtemps après à la commémoration de ces belles images, de ces beaux moments de vérité qui se laissent apprécier, en parallèle du refrain lancinant de la chanson-titre d'Etienne Daho. Tout ceci ne sera jamais bien loin dans un coin de nos têtes, merci de l'avoir mis en images.