7.5/10Le mouton à cinq pattes

/ Critique - écrit par riffhifi, le 09/07/2010
Notre verdict : 7.5/10 - La guerre des moutons (Fiche technique)

Fernandel tient pas moins de six rôles dans cette comédie à sketches inventive et sensible dirigée par Henri Verneuil. On y croise un Louis de Funès jeunot dans sa période "moustache".

Lorsqu'on pense à Fernandel devant la caméra d'Henri Verneuil, on évoque le plus souvent La vache et le prisonnier, histoire émouvante d'une évasion dans la France occupée. Mais il serait dommage d'oublier les quatre collaborations précédentes des deux hommes durant les années 50, parmi lesquelles on trouve un drame adapté de Simenon (Le fruit défendu) et surtout la sympathique curiosité adéquatement nommée Le mouton à cinq pattes. Succès populaire à sa sortie, le Papa St-Forget
Papa St-Forget
film obtient même une nomination hollywoodienne pour l'Oscar du meilleur film étranger.

Dans le petit village de Trézignan, les officiels se grattent la tête pour trouver comment relancer le tourisme dans ce trou perdu. La réponse réside dans le dernier évènement marquant du coin, survenu quarante ans plus tôt : la naissance de quintuplés dans la famille St-Forget. Le docteur Bollène, parrain des cinq garçons, est chargé de les retrouver et de les réunir à l'occasion d'une grande fête. Mais ils ont tous suivi des voies bien différentes, et leur vieux père est fâché avec chacun d'entre eux...

Jouer plusieurs personnages dans un même film est un exercice auquel Fernandel est rompu depuis 1940 : dans L'héritier des Mondésir, il incarnait déjà à tour de rôle différents membres d'une même famille, et dans L'ennemi public n°1, il était à la fois un touriste binoclard et un dangereux gangster (un procédé qu'il reprendra dans Dynamite Jack en 1961). Ici, il joue pas moins de six rôles : le patriarche râleur Edouard St-Forget, et ses cinq fils nommés par ordre alphabétique : Alain, Bernard, Charles, Désiré et Etienne. La reconstitution de la famille dissolue par l'émissaire de Trézignan permet de découper le film en segments distincts, aux tons très différents. On recense d'ailleurs sept personnes au scénario, parmi lesquelles deux réguliers de Fernandel : son beau-frère Jean Manse et le romancier René Barjavel, qui a œuvré notamment sur les Don Camillo (Fernandel se livre au passage à un numéro d'autoparodie réjouissant). Barjavel supervise les dialogues et la continuité, tandis que les six autres scénaristes se partagent les séquences, ce qui explique le côté "film à sketches" de l'ensemble. Chaque fils est Bernard St-Forget
Bernard St-Forget
au centre d'une historiette en rapport avec sa personnalité : Alain est un chef d'entreprise un peu snob, Bernard un journaliste discret, Charles un prêtre au destin cocasse, Désiré un gentil père de famille en proie à de graves soucis financiers, et Etienne un marin bourlingueur à l'épaisse moustache.

Selon que l'on aime la comédie pure, l'émotion ou le suspense, on s'intéressera davantage à tel ou tel segment, mais chacun permet d'apprécier la palette de jeu de Fernandel, à commencer par son premier monologue dans le rôle du père, lorsqu'il explique qu'il espérait une fille et s'est retrouvé en une nuit avec cinq garçons à la maison... Dans la distribution du film, on trouve avec plaisir un certain Louis De Funès, à l'époque où il n'était encore qu'un second rôle aux cheveux noirs et à la moustache cruelle, prisé entre autres par Sacha Guitry. Ici, il joue un inquiétant entrepreneur de pompes funèbres, qui fait tourner en bourrique l'influençable Désiré... Fernandel et lui avaient déjà joué ensemble trois ans plus tôt dans Boniface somnambule.

Comédie attendrissante et bien écrite, un peu décousue mais offrant un bel aperçu de la palette de jeu d'un acteur trop souvent réduit au stéréotype du simplet méridional, Le mouton à cinq pattes constitue le haut du panier de la filmographie de Fernandel.