Limitless - Trouve ses limites
Cinéma / Critique - écrit par enihprom, le 25/06/2011 (Tags : limitless illimite limite film limites eddie illimitee
Limitless, c'est le parfait exemple du film-spectacle américain conditionné pour faire de l'argent le plus facilement et le plus rapidement possible. Tellement rapidement d'ailleurs que, comme la plupart des autres films de ce type, on oublie de le peaufiner. Montrer deux têtes charismatiques sur une affiche (ici Bradley Cooper et Robert De Niro) ne suffit pas toujours...
DR.Eddie Mora (interprété par Bradley Cooper) est un écrivain un peu raté qui manque totalement d’inspiration, le genre de panne sèche qui l’empêche d’écrire quoique se soit sur sa feuille. Cette dernière restant désespérément blanche, il décide d’employer les grands moyens pour libérer ses sens : la drogue. Conseillé par un ami de longue date, le NZT est une pilule illicite censée décupler son intelligence et son assurance. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça marche ! En à peine quelques jours, il devient un requin de la finance ; il écrit une bonne partie de son prochain livre qu’il a mis tant de temps à démarrer ; il apprend le piano ; il se met à parler plusieurs langues et surtout, il est contacté par un mastodonte de Wall Street nommé Carl Van Loon (campé par Robert De Niro) pour négocier une affaire qui peut rapporter gros, très gros. Le seul inconvénient, c’est que l’effet ne dure qu’un temps et passé ce délai, Eddie Mora redevient l’écrivain raté qu’il a toujours été. Pour rester au top de sa forme intellectuel, il lui faut donc sa dose quotidienne. Manque de bol pour lui, le fournisseur qui lui vend cette substance est retrouvé mort et quelques personnes mal intentionnées veulent savoir comment Eddie Mora, individu banal sans aucune particularité, est devenu un homme adepte du bling-bling. Début assez prometteur donc avec un petit côté immoral et provocateur (la drogue n’est finalement pas si mauvaise ?) pour malheureusement finir dans une sorte de brouillon mâtiné d’action qui n’a finalement plus rien voir avec l’idée que l’on pouvait se faire au départ.
Car, autant être clair, Limitless n’avait pas l’intention, et ce dès le début, de s’engager sur une trame narrative trop complexe, ce qu’aurait pourtant pu apporter le pitch de départ des plus intéressants. Non, même si on sent que Neil Burger aurait bien voulu critiquer la société actuelle avec l’arriviste des temps modernes retranscrit à l’écran par le biais d’Eddie Mora, il faut croire que le film n’a pas les reins assez solides pour supporter le poids d’une telle critique. Donc faute de mieux, il fallait se concentrer sur l’action et sur la mise en scène pour proposer quelque chose d’assez dynamique aux spectateurs afin qu’ils restent sur une note positive. Sur ce point là, Limitless est une petite réussite avec bon nombre de plans hallucinogènes vraiment ingénieux, montés de façon à ne laisser aucune seconde de répit. Tout a été pensé pour que ça aille vite et pour que l’on se sente épaté du résultat final. S’ajoute à cela un Bradley Cooper remarquablement bon dans son rôle - ce qui renforce son côté star montante du cinéma actuel malgré ce que l’on pouvait en penser avant, notamment qu’il ne pouvait pas faire autre chose que les petits rôles -, et on obtient un rythme visuel soutenu du début jusqu’à la fin. Malheureusement pour Neil Burger et son film, les qualités s’arrêtent ici.
DR.Effectivement, si les images proposées sont impressionnantes par moment, on ne peut pas dire que le reste de Limitless le soit. Premièrement, et ça fait mal au cœur de le dire, Robert De Niro n’est ici que pour faire beau sur l’affiche tant sa présence se révèle fantomatique dans le film. Il y aurait eu n’importe qui d’autre à sa place, on n’aurait pas senti la différence. Triste constat pour quelqu’un qui fut un temps l’un des meilleurs acteurs au monde. D’ailleurs, drôle de parallèle dans le film : la véritable carrière cinématographique de Bradley Cooper s’embrase lorsque celle de Robert De Niro s’éteint. Mais la conclusion peut aussi s’appliquer à Abbie Cornish que l’on ne voit pas assez pour se forger une véritable opinion sur elle. Pour faire simple et concis, Bradley Cooper a littéralement tout dévoré sur son passage et la sensation que Limitless repose intégralement sur ses épaules n’est pas anodine. Deuxièmement, le scénario est tout simplement incohérent, voire surréaliste par moment. Les scénaristes se sont embourbés dans une situation qu’ils n’arrivent pas à dénouer ? Pas grave, on va mettre une péripétie incroyable et complètement aberrante. De toute façon, les spectateurs ne regardent pas Limitless pour ça. Alors certes, on ne le regarde pas pour sa cohérence scénaristique, mais proposer des choix aussi faciles fait relativement mauvais genre. Et enfin, malgré son titre, le long-métrage de Neil Burger trouve ses limites. Il est en effet fort dommageable de voir tant d’effort sur le plan visuel pour que le dynamisme, qui devrait être carburé par l’action, ne suive pas toujours. En clair, Limitless a beaucoup de mal à tenir sur la longueur, ce qui est un défaut assez gênant pour ce type de film.
Au final donc, Limitless a tout de l'american movie tape-à-l’œil configuré pour rapporter un maximum d’argent en très peu de temps. D’ailleurs, la production ne s’y est pas trompée puisque, quasiment contre toute attente, le film de Neil Burger a engrangé près de quatre-vingt millions de dollars sur le sol américain à l’heure où ces lignes sont écrites pour un budget initial de vingt-sept millions. Vous ajoutez à cela les cinq cent mille entrées françaises en seulement deux semaines d’exploitation et vous obtenez un joli petit carton. Nul doute que la présence de Bradley Cooper, qui voit sa réputation augmentée de manière incroyable depuis Very Bad Trip, accouplée à celle du légendaire Robert De Niro sur l’affiche du film, doit y être pour quelque chose. Malgré tout, on est en droit de se demander si un tel succès était vraiment nécessaire lorsqu’arrive le générique de fin, d’autant plus que Limitless possède quelques défauts assez gênants sur le long terme. Alors oui, c’est divertissant. Oui, on ne se prend pas la tête pendant l’heure quarante-cinq que demande le long-métrage. Et oui, Limitless a un certain style grâce à son visuel psychédélique, c’est indéniable. Mais après tout, ça ne reste qu’un film-spectacle s’inscrivant dans la lignée post-Inception qui finira sa carrière à la télévision le dimanche soir sur TF1. Ni plus, ni moins.