La ligne verte
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 15/06/2002 (
Nous sommes en 1935. Paul Edgecomb est le surveillant en chef d'un bloc dans un pénitencier du sud des Etats-Unis. Sa vie ainsi que celle de son équipe est soudainement bouleversée par l'arrivée d'un nouveau détenu, condamné à mort pour l'assassinat de deux jeunes filles. Car ce dernier, John Coffey ("comme la boisson sauf que ça ne s'écrit pas pareil") plus impressionnant que véritablement dangereux, semble doté de pouvoirs surnaturels.
La Ligne Verte est ce couloir qui mène les condamnés à mort de leur cellule à l'ultime échéance. Et dans cet univers effrayant où dans l'air se mêlent les odeurs de moisissures et de cadavres décomposés, des gardiens de prison vont être les témoins privilégiés d'un évènement qu'ils n'auraient en aucune façon pensé vivre. Leur rencontre avec le détenu John Coffey devait marquer à jamais leur existence.
La Ligne Verte, véritable poésie toute en images, prouve que la bonté d'âme et les sentiments humains peuvent survivre aux conditions les plus extrêmes. Le film déborde d'enseignements humanistes et l'équipe du film n'a pas manqué d'ingéniosité pour les faire passer. Ainsi se retrouvent personnifiées les idées les plus abstraites telles que le Bien et le Mal. Le jeu des couleurs et de la mise en scène, l'ambiance musicale et la mélodie des dialogues : rien n'a été laissé au hasard. La Ligne Verte est un poème au contenu et aux idées simples, mais tellement efficaces.
Outre ces aspects visuels et sonores, il faut ajouter la consistance des différents personnages : fouillés à l'extrême, ils sont conformes à ce que Stephen King avait imaginé. Les deux héros, les voilà :
- Paul Edgecomb, qui incarne l'autorité et la rigueur, sérieusement ébranlé dès l'arrivée de John Coffey. L'interprète ne se présente plus : Tom Hanks -Il faut sauver le soldat Ryan, Forrest Gump, Philadelphia- donne aujourd'hui l'impression de pouvoir endosser n'importe quel rôle.
- Et John Coffey, dont la véritable identité est peu à peu découverte au fil du temps. Quand il franchit la porte du pénitencier, il est présenté comme le monstrueux colosse, meurtrier de deux innocentes fillettes. Michael Clarke Duncan, son interprète, réalise ce que personne n'était parvenu à faire jusqu'à présent : faire jeu égal avec Tom Hanks en lui rendant la réplique à la hauteur de son personnage.
Et outre l'interprétation et autres aspects visuels ou sonores, il y a le plaidoyer. Aucune prise de position concernant le débat sur la peine de mort : le film n'est aucunement démagogique même s'il n'hésite pas à montrer crûment la douleur des condamnés sur "Madame Cent-Mille Volts". La Ligne Verte est à l'instar des textes bibliques et des discours de Martin Luther King, une oeuvre engagée qui aimerait changer les choses : il est question d'amour et de haine, de vengeance et de pardon, de fierté et de jalousie, d'ouverture et d'étroitesse d'esprit. Vous serez émus, c'est certain, comme je l'ai été. Et puis vous vous recueillerez : quelle place auriez-vous tenu ? Quels mots auriez-vous prononcé ? Qu'auriez-vous fait si le réalisateur Frank Darabont vous avait laissé prendre part au casting ?
Et puis vous vous endormirez un peu moins bête.