L'invasion martienne
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 17/01/2006 (
On ne peut pas dire que durant les années 50, le cinéma SF américain fut le plus fun qui soit. Peur du communisme, des soucoupes volantes, inculcations de quelques valeurs strictes...Tout cela n'est pas bien marrant. Aussi, lorsque l'occasion se présente pour nous, spectateurs du XXIème siècle, de tomber sur une zèderie de l'outrance d'un Teenagers From Outer Space, il convient d'en faire profiter ses pairs, tel un devoir de mémoire prouvant que oui, il est possible de trouver de trouver des films aussi balourds de symboliques qu'un bon vieux Chuck Norris à une ère où le Noir et Blanc était encore de mise.
Dans un coin de désert, une soucoupe volante atterrit prestement. En sortent une poignée de bonshommes en pyjamas, accompagnés d'un monstre extraterrestre ressemblant à s'y méprendre à un homard. Après avoir fait état de leurs armes terrifiantes sur un pauvre chien qui venait à passer, les visiteurs de l'espace entament leur sinistre dessein : envahir la Terre ! Mais il y a Derek. Derek qui sur Terre, préférera goûter à une spécialité locale qui fait cruellement défaut sur sa planète d'origine : la famille...
Nul besoin de tourner autour du pot : Teenagers From Outer Space, retitré chez nous L'Invasion Martienne et édité récemment en DVD (Bach Films), n'est pas tant un film de SF très ringard qu'une vaste opération propagandiste destinée à remettre la jeunesse dans le droit chemin en lui bourrant le crâne des bienfaits de la famille. Sorti en 1959 et s'incrustant de par son titre dans une lignée, justement, de films destinés aux "teenagers" -I Was a Teenage Frankenstein et autres, 1957-, Teenagers From Outer Space fait ainsi office de nanar fauché mais non dépourvu d'opportunisme, cherchant à atteindre une cible dans le vent tout en se fendant d'une vocation éducative légère comme un tractopelle. L'homme derrière cela est un certain Tom Graeff, qui, non content d'assurer la réalisation, s'improvisa également producteur, scénariste, acteur et responsable des effets spéciaux. Effets spéciaux très spéciaux, cela va de soi. Un homme orchestre, sans doute par la force des choses, à qui l'on doit tout de même un certain respect pour avoir ainsi multiplié les casquettes dans des conditions de budgets visiblement catastrophiques. Hélas pour nous, si des personnages aussi habiles que Mario Bava sont capables d'insuffler une qualité de tout les instants en variant les rôles, le contraire se vérifie aussi avec le pauvre Tom Graeff : dans Teenagers From Outer Space, tout est désespérément foireux, de la réalisation au scénario en passant par les acteurs et n'oublions pas les effets spéciaux qui provoquent l'hilarité plus qu'à leurs comptes. Mauvais, mais malgré lui rigolo, Teenagers From Outer Space a donc toute les qualités requises pour être qualifié de nanar spatial, sans toutefois atteindre le poids lourd qui lui est contemporain : Plan 9 From Outer Space.
Le film en lui même ne manque ni de bonnes idées, ni de bonne volonté, notamment dans sa présentation de la menace extraterrestre. Hormis le homard précédemment cité, qui comme de bien entendu deviendra gigantesque à la fin du film, grotesque maquette agitée par un accessoiriste quelconque voir, fantasmons, par Tom Graeff lui-même, c'est le traitement graphique des exactions aliens qui a le mérite de l'originalité. En effet, sitôt débarqués, nos touristes intersidéraux n'hésitent pas à sortir leurs pétoires laser, qui ont pour effet de détruire tout être vivant, n'en laissant qu'un squelette parfaitement nettoyé. Quand bien même ils sont en plastique, quelle merveilleuse idée que voilà ! Au point que Tim Burton la reprendra dans son tripant Mars Attacks. Et des squelettes, le spectateur aura l'occasion d'en voir. Car pendant que Derek goûte les joies du foyer dans une famille qui l'accueille sans se poser de questions, le méchant de service se lance comme de bien entendu à sa poursuite, semant la mort sur son passage. Le coeur du film consiste donc en ce chassé-croisé où Derek s'émerveille de la Terre et de ses habitant(es), pendant que son compatriote lui court après, transformant en squelette tout ceux qu'il croise. Un automobiliste, un pauvre pompiste, une femme dans sa piscine, un savant...Squelette ! Squelette ! Squelette ! Si ces tueries improbables ne manquent pas de friser le ridicule, il faut reconnaître un certain charme au procédé, tendrement naïf qui se regarde béatement. Malheureusement, l'excitation est assez peu présente dans Teenagers From Outer Space, et si la vision d'un crustacé géant sautillant provoque quelques sursauts d'intérêts hallucinés, le film s'embourbe dans son sous-texte moralisateur somme toute assez lourd, sans parler d'un rythme assez discutable. Même en supposant qu'il eut de l'ambition, Tom Graeff n'est décidément pas un grand cinéaste, et beaucoup s'en faut. Avec la même propension au pêtage de plomb qu'un Ed Wood, il ne nous livre regrettablement qu'un film souvent ennuyeux. Sans être irregardable, Teenagers From Outer Space traîne le poids de ses minutes et sa courte durée apparaît comme une bénédiction.
Un nanar spatial qui aurait pu devenir un classique dans son genre, hélas plombé par sa symbolique et ses longueurs pénibles. Bien dommage, autrement, il aurait tout eu pour rejoindre les Plan 9 et autres Robot Monster dans le rang des nanars cultes de la période, qui a bien y réfléchir, n'en fut pas avare...