Insensibles, le miracle espagnol
Cinéma / Critique - écrit par Hugo Ruher, le 23/10/2012 (Tags : espagne madrid francais economie los espagnol pays
C’est toujours facile de repérer un premier film : récit inégal, effets clipesques à répétition, références étouffantes aux modèles etc… Mais parfois, la maîtrise des techniques cinématographiques et scénaristiques est telle qu’on en oublie complètement que ce que nous avons sous les yeux est l’œuvre d’un petit nouveau. C’est le cas avec Insensibles, premier long-métrage du jeune réalisateur espagnol Juan Carlos Medina, promis on l’espère à une grande carrière.
Un cinéma espagnol revisité.
Dans Insensibles on suit deux histoires croisées : la première a lieu vers 1930 dans un hôpital où grandissent des enfants atteints d’une maladie rare qui les prive de toute sensation de douleur. Parmi eux, le petit Benigno sensible et doué de ses mains, semble poser quelques difficultés à l’établissement. Le deuxième pan du scénario se situe de nos jours, avec David, un neurochirurgien atteint d’une tumeur, qui doit retrouver ses parents biologiques pour survivre. Sa quête l’amène bien évidemment du côté de l’hôpital dorénavant abandonné…
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Si vous n’aimez pas le cinéma d’horreur espagnol, il y a peu de chances pour que ce film vous parle car tous les poncifs y sont présents : du gore soigné, une esthétique flamboyante, des enfants effrayants, le fascisme en toile de fond et un rapport omniprésent à l’histoire de la péninsule. Mais pourtant, à aucun moment le spectateur ne ressent le déjà-vu où la redondance des clichés. Medina arrive à s’extirper des modèles en créant son propre univers et en s’émancipant des habitudes du film d’épouvante. En effet, si certaines scènes sont à la limite de l’insoutenable par leur violence, il est tout de même difficile de catégoriser le film qui oscille entre le fantastique, le thriller, le drame familial et le film historique, le tout avec une atmosphère extrêmement poétique où l’émotion se mêle à la peur et au dégoût.
Toute la beauté de la douleur.
S’il fallait trouver un thème général au film, ce serait celui de la douleur, qui, si elle n’est justement pas ressentie par les enfants, n’en est pas moins absente de leur vie et nous atteint, nous spectateurs, qui ressortons tout tremblants de la salle, certains d’avoir assisté à un grand film.
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Il faut dire que tout y est : les acteurs mettent en valeur toute la complexité de leur personnage et du scénario, notamment les enfants troublants d’innocence au milieu de toute cette violence. La musique se fait tantôt discrète, tantôt magistrale, totalement au service des émotions disparates que veut faire passer le réalisateur. On pourra regretter que certaines scènes avec David ne soient pas aussi fortes que celles des enfants mais cette impression s’estompe dans la seconde partie du film ou tout devient de plus en plus sombre et compréhensible, jusqu’à un final incendiaire en apothéose.
Il n’est pas dit qu’Insensibles connaisse un immense succès en France et c’est bien dommage, il est rare de voir une réalisation si maîtrisée et une histoire qui sait rester claire malgré sa lecture à plusieurs niveaux, notamment la métaphore de l’Espagne, sans vouloir trop en dévoiler. Une bonne surprise qui promet un bel avenir à Juan Carlos Medina, un nom à retenir.