8/10The Hours

/ Critique - écrit par Selena, le 09/04/2003
Notre verdict : 8/10 - Si la femme m'était contée (Fiche technique)

Prenez un paquet de mouchoirs avant toute chose ! Installez-vous confortablement et paisiblement dans le douillet siège du cinéma. Et c'est parti pour presque deux heures d'une mise en abîme et d'une mise à vif dans l'esprit et la vie de trois femmes à travers trois époques différentes.

Par la mise en scène (de Stephen Daldry) et le montage (de Peter Boyle) astucieux et brillants, les trois destins s'interconnectent devant nos yeux émerveillés. Le parti pris de raconter trois histoires en parallèle (procédé déjà utilisé dans le film Intolérance de Griffith, en 1916) permet de tisser progressivement et finement un lien entre les personnages centraux féminins du livre homonyme de Michael Cunningham. Des femmes qui se retrouvent liées essentiellement (mais pas uniquement) par un roman, celui de Mrs Dalloway écrit par Virginia Woolf (qui initialement souhaitait intituler son roman Les heures).

Chacune des femmes représentent bien chacune (à leur manière d'être) leur époque. A ce propos, le réalisateur précise « Dans le film, nos héroïnes se débattent avec l'époque qui est la leur, un présent qu'elles ont défini elles-mêmes, mais qu'on a aussi défini pour elles. Il y a une véritable part d'héroïsme en elles, et c'est ce qui m'a plu dans le scénario. Un jour dans la vie de trois femmes.» Ainsi, dans les années 20, l'une (Virginia Woolf/ Nicole Kidman) est une intellectuelle qui s'évade du carcan traditionnel, et de la prison de son esprit et de son corps par l'écriture. Dans les années 50, l'autre (Laura Brown /Julianne Moore) est une femme au foyer dont l'image lisse et avenante cache une personnalité torturée et avide de liberté. Enfin, de nos jours, la dernière "héroïne" (Clarissa Vaughan / Meryl Streep) est une hyperactive qui place sa raison de vivre dans l'accompagnement de fin de vie d'un ami sidéen. L'agonie physique de ce dernier faisant écho à l'agonie psychique de son amie. Finalement, ce que Virginia Woolf écrit, une le lit et une autre le vit.

Toutes les trois ont un point en commun : elles meurent à petits feux, un peu plus chaque jour, et en silence. Ces trois femmes (et ces trois formidables actrices) nous font vivre intensément la tristesse insondable, et la souffrance et le mal de vivre indéfinissables qui les tuent tout doucement mais sûrement. La dépression et plus précisément la mélancolie sont omniprésentes. Mais loin d'être un film pessimiste et désespéré, l'histoire incite à la réflexion non seulement sur la vie, la survie et la mort, mais aussi sur la recherche du bonheur de soi et des autres, le bonheur insaisissable et insoupçonné dans quelques heures d'une vie ou d'une journée.

Le film fait la part belle aux actrices qui ont de magnifiques rôles (comme on en voyait peu au cinéma) notamment Claire Danes, Toni Collette, Miranda Richardson et bien sûr le trio : Nicole Kidman, Julianne Moore et Meryl Streep qui auraient toutes trois mérité l'oscar de la meilleure actrice (mais celui-ci n'est revenu qu'à Nicole Kidman). Néanmoins, les seconds rôles masculins sont tous aussi remarquables avec en tête un Ed Harris subtil et poignant. Stephen Daldry qui avait déjà étonné par la réussite de son premier film (un Billy Elliot très touchant), confirme son talent de conteur d'histoires, de vies et d'heures.

L'histoire, qui nous est magnifiquement contée, invite à un beau voyage aux confins de la maladie, de la mort et surtout de la vie. Un périple qui laisse des traces dans les mémoires et dont on ressort en un silence qui résonne au plus profond de soi.