La Horde
Cinéma / Critique - écrit par athanagor, le 10/02/2010 (Grand pourfendeur de nanars, Yannick Dahan et son pote, Benjamin Rocher, s'essaient à l'exercice.
Après avoir enterré un de leurs proches, victime apparemment d'un règlement de compte, quatre individus cagoulés infiltrent une cité HLM,
Ebouaney, Masta, Martinsbien décidés à égaliser le score, quitte à la jouer à la dégueulasse. Interceptés dans leur élan par l'équipe ennemie, logée au dernier étage d'une tour insalubre, ils vont perdre leur meneur, exécuté, et vont commencer à formuler des prières pour le salut de leurs âmes. Et grand bien leur en prend, car à peine ont-ils le temps de s'échanger le reste des politesses, que de drôles d'évènements surviennent. En clair (et sans surprise) les morts reviennent à la vie et se mettent à bouffer les vivants, avec une vivacité et une rage peu commune pour leur état. Face à cette nouvelle concurrence, les deux équipes vont devoir la jouer collectif pour, dans un premier temps, sortir de l'immeuble.
Yannick Dahan et Benjamin Rocher s'autorisent, avec ce premier film, un petit plaisir, qu'ils espèrent faire partager à tous ceux que le genre fait saliver. Loin de vouloir proposer une satire sociale ou une réflexion politique, comme on serait tenté de le déduire du positionnement de l'intrigue dans une cité, ils cherchent avant tout à offrir un franc
Pignot et sévère divertissement. Ils cherchent également à proposer un vrai film de genre français, avec les moyens et le scénario d'un long métrage, pour sortir les tentatives tricolores les plus ambitieuses du conventionnel court-métrage, où des réalisateurs inspirés s'essaient, avant de montrer sur des formats plus longs, des histoires d'amours impossibles sous la pluie.
Sur une ouverture froide et sérieuse (où les amateurs reconnaitront un hommage à Freudy), le film commence avec toutes les apparences du polar et d'une histoire de vengeance, cousue de fil blanc. On est alors directement dans une école purement française où se retrouvent, avec plus ou moins de réussite, Contre-enquête et Braquo. Puis le premier quart d'heure passé, les zombies arrivent, et sachez-le, ils sont vénèr'. Très au point pour tous les aspects de maquillage et d'effets spéciaux sonores, le tout l'est un peu moins sur les traditionnels effets de surprise qui saisissent le spectateur avec un grand coup de cymbales. Mais restent des bestioles sacrément accrochées et terriblement voraces, qui ne s'effondrent qu'après avoir emmagasiné un chargeur entier. Cette ténacité est un des éléments les plus amusants du film, permettant aux différents protagonistes de s'exprimer dans des scènes de baston dantesques où l'aspect badass (revendiqué par les réalisateurs) finit par prendre un tour cartoonesque jouissif. On est alors ramené en mémoire vers From dusk till dawn, et le virage brusque de son intrigue, d'un film de gangsters aux pathos lourds, vers un film fantastique largement ouvert sur un esprit comique. C'est grâce à ce même schéma que La Horde respecte à la lettre son engagement de faire un film de genre à la française, en faisant surgir dans cet univers policier familier, un tsunami de morts-vivants, qui ne restent immobiles qu'après un bon quart d'heure de coups de boule et de sulfatage. Malheureusement, un défaut se glisse ici. Dès le début, ce film est prévu pour être un film de zombies. Et de fait, toute la partie polar ne semble pas avoir été pensée comme telle et ne passe pas très bien. De plus, les dialogues mettent un peu de temps à trouver du naturel (jusqu'à l'arrivée d'Yves Pignot), et ce défaut sera d'autant plus marqué dans la partie où il n'y a pas de zombie pour couper la parole à tout le monde. On appréciera toutefois quelques échanges savoureux entre protagonistes, dont on ne comprendra jamais qu'ils puissent naître dans l'esprit
Perronde quiconque harcelé par des morts-vivants.
En plus de l'aspect divertissant assumé au maximum, on sent tout de même qu'il y avait plus dans l'intention de départ. Sur le fond, ce film reste un survival, genre qui permet d'engager plus que de la tension nerveuse brute. Mais faute d'argent ou faute de savoir-faire, les quelques ébauches relationnelles que l'on perçoit ne seront pas réellement développées, malgré des amorces évidentes. Par contre, d'autres passages, qui prennent le parti de suspendre le divertissement, réussissent à mettre réellement mal à l'aise en brouillant les repères de connivence du spectateur, ou tout simplement par des plans qui nous rappellent toute la tension qu'ils résolvent. Par ces aspects, les co-réalisateurs démontrent un vrai talent.
En définitive, on passe un très bon moment, qui n'est pas bâti que sur du cassage rigolo de zombies. On pourra être suspecté de chauvinisme, ou d'adoration pour la personnalité grande gueule de Yannick Dahan, ou encore de militantisme aveugle pour un film de genre français. Mais loin de ces raisons, toutes plus valables les unes que les autres, on... Et puis après tout, pourquoi pas ?