La guerre selon Charlie Wilson
Cinéma / Critique - écrit par knackimax, le 31/01/2008 (
Charles est cabotin, il aime les femmes, de préférence libérées et belles, et le whisky, le single malt, de préférence ambré et enivrant. Il aime aussi le bon goût et les situations aventureuses. C'est ainsi que le film commence dans le jacuzzi d'une chambre d'hôtel à Las Vegas entouré de stripteaseuses, de miss février (attention ce n'est pas pareil!) et d'un producteur de cinéma qui sniffe une ligne de coke longue comme sa proposition de scénario. Mais Charles Wilson est surtout un sénateur et il aime donc la politique et s'intéresse au monde et aux hommes qui le composent. Il faut avouer qu'il a l'air plutôt détendu et semble peu concerné pour le moment. Il demande donc qu'on augmente le volume des informations et c'est à ce moment que tout va changer dans le monde de Charlie.Ca ne l'empêchera pas pour autant d'engloutir son troisième whisky, ni de faire deux ou trois blagues à l'intention des deux femmes nues qui le dévorent du regard. Toutefois son attention se porte sur le poste de télévision où un homme public qui a apparemment cessé de se raser fait une interview d'Afghans Moudjahideens au milieu de leurs chèvres. C'est le déclic. Lui aussi il veut porter un chapeau en laine comme Massoud. Enfin, on n'en est pas encore là, avant il faut se poser des questions et prendre conscience du problème ce qui n'est pas une mince affaire. Mais Mr le Sénateur est volontaire et la première réaction ne va pas tarder. L'aventure commence alors...
Ni condescendant ni démagogue comme la plupart des films sur la guerre de la dernière décennie, La guerre selon Charlie Wilson nous balade entre plusieurs excellents acteurs dans leurs rôles les plus efficaces. Le Sénateur Wilson est interprété avec brio par un Tom Hanks qui ressemble de plus en plus à ses rôles. Sa figure un peu bouffie scindée par deux yeux qui pétillent correspond à merveille à son personnage de grande gueule intuitive et puérile. Il retrouve l'eternel garçon qu'il était dans sa poursuite vers les étoiles tout en découvrant un monde de guerre avec des yeux d'adulte. Ce Texan jovial semble se réveiller après le long coma des 70's et prends enfin conscience de la raison pour laquelle le système qu'il exploite depuis ses cinq derniers mandats existe. Cynique sans pour autant être idéaliste, il se fait alors le bras actif d'une collaboration passive. Son humanisme le suit alors comme son ombre sans pour autant le rendre mièvre. Et au fur et à mesure que le temps passe aux côtés de Charlie on l'apprécie de plus en plus sans aller jusqu'à l'aimer.
Il est aidé dans sa quête par un homme de la CIA aux allures de vieux marin grassouillet qui n'a pas été épargné non plus par les 70's et porte une moustache. Une fois de plus c'est un Philip Seymour Hoffman des plus remarquables qui accompagne son rôle en délicatesse et en humeur. Il accompagne également à la perfection la star du film et leur duo de pinces sans rires au pouvoir désillusionné est une réussite concrète. Ses lunettes teintées le gardent dans l'ombre et il apporte toute la philosophie à l'histoire. Il brille d'une simplicité sans sourire, tel un homme de la rue blasé mais sur le qui-vive. C'est un étranger dans l'ombre qui sait toujours ce qu'il fait, un conseiller en brutalité, un expert en tactique et pourtant il ressemble à un charcutier. Mais derrière ses lunettes se cache toute l'humanité du monde et son cynisme sous les bombes. L'interprétation est magistrale et équilibrée, à la hauteur de cette production vertigineuse de classe dans la sobriété.
Rajoutons un quatrième oscar à notre tête d'affiche avec Julia Roberts dans la balance et vous avez le trio gagnant de ce film. Respirant d'une maturité et d'un flegme qu'on ne lui connaissait pas encore, Julia joue à merveille ce rôle de lobbyiste blonde, fatale et veuve de plusieurs ex-maris fortunés. Son ton est sans détour, son œil aquilin ne scille pas et sa volonté de fer la place tout en haut de la chaine alimentaire ce qui la rend donc inaccessible a ce cher Charlie (plus négociant en bétail que requin). Pourtant c'est bien pour elle qu'il part en guerre dans les débuts de l'intrigue et qu'il rencontre ce destin phénoménal en chemin. Leur duo est détonant.
Les trois camarades de jeux sillonnent alors le monde à la recherche des moyens d'apporter la victoire aux Afghans avec l'intention de faire tomber l'union soviétique. Cela devient très vite une course effrénée vers l'augmentation du budget des guerres de soutien secrètes. Mike Nichols navigue au milieu de ce marasme politico-religieux avec une aisance incroyable. Sa narration est limpide. A la fois pédagogue, amusant, émouvant mais pas bouleversant d'humanité, béatifiant, déroutant, sibyllin et lyrique, il nous offre un bijou d'équilibre dans un monde de brutes. Le dosage est idéal et dépasse toutes ses autres réalisations. Certes Mike n'est pas ce que l'on appelle un poète mais certains plans sont vertigineux d'intensité. Il n'est pas esthète, soit, mais ses personnages son beaux. La photographie est tout aussi irréprochable et la caméra indétectable dans le paysage. Le spectateur est happé dans cette odyssée comme dans un livre qu'on n'arrive pas à lâcher. Il ne reste donc plus qu'à lire l'œuvre homonyme de George Crile dont le film est tiré pour approfondir la question et connaitre un peu plus Charles, qui, tel un exploreur, dans son avion de député, une jolie assistante à ses pieds, vous racontera comment à 13 ans déjà il aimait prendre son tracteur pour refaire le monde.
Pour la leçon d'histoire et de savoir, allez le voir et savourez. Vous y apprendrez que l'on peut s'appeler Charlie et très bien se cacher sans être difficile à trouver.