The Crow 2024, mangé par les corbeaux
Cinéma / Critique - écrit par nazonfly, le 08/09/2024 (Tags : crow corbeau corbeaux corneille film oiseaux skarsgard
Selon la légende, un corbeau peut ramener un film d'entre les morts pour en faire une bouse. La légende dit-elle vraie ?
The Crow sorti en 1994 et réalisé par Alex Proyas est sans doute l’un des films les plus iconiques : terriblement gothique dans son image, dans son son – la bande originale comportant The Cure, Nine Inch Nails (reprenant Joy Division), Rage Against The Machine, Pantera, n’en jetez pas plus ! est emblématique – il s’approche du film parfait. Autant dire que l’annonce d’une reprise de celui-ci ne pouvait engendrer que sourire narquois et questionnement atterré : mais pourquoi Hollywood tient-il à revisiter ce chef d’œuvre ? Les premières images, montrant un Eric Draven couvert de tatouages, les cheveux courts, loin, si loin de l’imagerie développée par Proyas (et par O’Barr), enfonçaient le clou dans le cercueil rutilant de nos souvenirs gothiques. De toute évidence, cette reprise allait être une grosse bouse cinématographique. Pourtant, bizarrement, il nous fallait à tout prix voir cette nouvelle adaptation. Peut-être par curiosité, peut-être par schadenfreude, cette joie malsaine éprouvée en voyant le malheur d’autrui.
Pour remplacer le mythique Brandon Lee, Rupert Sanders a choisi Bill Skarsgård (le clown Grippe-Sou/Pennywise dans la nouvelle adaptation de Ça) tandis que c’est FKA Twigs, plus connue pour ses talents de chanteuse, qui prendra le rôle de Shelly Webster, autrefois jouée par l’oubliable Sofia Shinas. C’est là que se joue la première différence majeure entre les deux adaptations : Shelly n’est plus cette beauté diaphane de passage pour mettre en valeur le bel Eric mais un « vrai » personnage beaucoup plus épais. L’idée n’est assurément pas mauvaise mais on pourra douter de la direction prise par cette nouvelle Shelly. Le couple Skarsgård/Twigs en tout cas fonctionne plutôt bien à l’écran même si le réalisateur prend le parti de passer une bonne moitié de son film à montrer l’idylle angélique entre Eric et Shelly, une partie tellement longue qu’elle plonge le spectateur dans un ennui profond.
Je l’aime, il m’aime et il m’a conté fleurette dans les pâquerettes DR.
Il paraît que pour faire un bon film, il faut un bon méchant. C’est là que le bât blesse le plus. Aux voyous dérangés, pyromanes, révoltés et terroristes de 1994 se substituent des méchants plus sobres, de grands bourgeois prêts à tout pour prolonger leur vie monotone. On y gagne peut-être en considération politique mais on y perd en folie destructrice. À vrai dire ces nouveaux méchants sont ennuyeux à mourir et l’on ne parvient pas vraiment à ressentir la moindre chose pour eux : ils sont fades et, en conséquence, le raid meurtrier d’Eric en devient fade. D’autant plus que s’y mêle une sorte de morale éclatée.
Et puis laissez tranquille tous les fantômes du passé DR.
Le corbeau de Proyas n’avait qu’un seul but : la vengeance aveugle contre ceux qui avaient assassiné Shelly (et lui-même au passage). Ici il ne s’agit plus d’une histoire de vengeance mais d’une histoire d’amour et de rédemption. Et ça change tout ! Ce nouveau corbeau n’est qu’une énième version de tous les super-héros agissant pour le bien, dézinguant des sbires à foison (avec une avalanche gore dispensable et une inventivité dans le meurtre digne de Destination finale, non ce n’est pas un compliment) pour atteindre le boss ultime. Une fois sa tâche accomplie, tout est bien qui finit bien même si la dernière image permet de se poser la question de ce qu’il s’est réellement passé. Comme s’il fallait rajouter un peu de mystère pour torturer l’esprit des spectateurs, comme si le film ne se suffisait pas à lui-même.
Ce fond de teint va à ta robe favorite DR.
Malgré ces critiques négatives, est-ce que The Crow 2024 est une bouse ? Tout dépend. Si l'on compare au film original, c'est certainement une bouse immonde. Si l'on oublie ce film, son univers, son scénario, The Crow 2024 se laisse regarder. On saura reconnaître à Rupert Sanders et à ses scénaristes la volonté de ne pas bêtement repomper un film avec lequel la comparaison serait forcément difficile. Il y a même quelques scènes plutôt bien fichues et quelques idées novatrices intéressantes (l’espèce de purgatoire est plutôt chouette). Cependant le film est très inégal avec un très grand nombre de scènes inutiles, douteuses ou tout simplement mal amenées.