7.5/10Le couperet

/ Critique - écrit par Nicolas, le 07/03/2005
Notre verdict : 7.5/10 - Menace II Society (Fiche technique)

La filmographie de Costa-Gravas se montre éloquente sur l'engagement du réalisateur, assez prompt pour s'accaparer les sujets qui dérangent. Le Couperet, le film, trouve sa source dans Le Couperet, le livre du romancier américain Donald Westlake. Rien qui ne laissait envisager la présence de José Garcia, éternel comparse des bouffonneries d'Antoine De Caunes, qui pourtant s'assume complètement dans un rôle dramatique tout en accompagnant l'un des films « choc » de 2005.

Depuis deux ans au chômage, licencié pour cause de délocalisation du personnel, Bruno Davert (José Garcia) se sent au bout du rouleau. A tel point qu'il décide de prendre les choses en main, et s'offrir lui-même la place qui lui revient et lui rendra sa dignité : assassiner un cadre supérieur pour postuler à la fonction qu'il laissera derrière. Mais rien ne doit être laissé au hasard, il faudra d'abord s'occuper des potentiels candidats...

Une fois n'est pas coutume, le cinéma français ose parler de sujets d'actualité sous des allures de film grand public. Délocalisation, compression, chômage, dépression, des termes à la faveur des journaux de 20 heures, pour une société placée sous le signe de l'économie et de la rentabilité. Le Couperet n'est néanmoins pas un film sur les sans-emploi, chose qui n'aurait en soi rien de bien extraordinaire, mais sur la société qui les génère et les déshumanise. Sans histoires, mais pourtant ennemis (ou « concurrents »), telle est la condition des « demandeurs d'emplois » en proie au système qui les a formés, éduqués, puis virés sans complaisance pour des motifs qui les dépassent. Ce qu'illustre Costa-Gravas sous forme d'un thriller noir et inquiétant, d'une exception telle qu'elle fait froid dans le dos. Rien de plus qu'un homme ayant une famille à nourrir, un CV en béton, mais pas le poste qui va avec. La solution ? Libérer soi-même une place en n'oubliant pas d'évincer les concurrents potentiels. Une logique implacable, ou devrais-je dire un « mobile » implacable. Au lieu d'être le meilleur, il sera le seul, quitte à faire disparaître les « autres ». Le réalisateur passe toutefois à travers le serial killer, l'habille avec le costume d'un père, le rend profondément sympathique en dépit de la cruauté et de l'esprit pervers dont il fait preuve à chaque instant. Un rôle en or pour José Garcia, à la fois humain et monstre, qui parvient à nourrir l'ambiguïté et à se prouver acteur dramatique au-delà du talent comique que tout le monde connaît. Il met mal à l'aise. La police nous met mal à l'aise, dès qu'elle s'insinue dans la vie de Davert. Les recruteurs mettent mal à l'aise. Le Couperet est un film qui met à l'aise, qui pousse à porter sa réflexion sur notre société et son avenir, qui nous fait trembler par son caractère à la fois fantaisiste et pourtant si crédible.

Sobre et maîtrisé, Costa-Gravas signe une réflexion bouleversante sur l'état de notre société, la pointe du doigt, l'accuse à travers la troublante logique d'un sans-emploi merveilleusement bien campé par José Garcia. Le Couperet fait froid dans le dos, sans artifices, sans effusion de sang, simplement par le caractère tellement vraisemblable d'une fiction qui aurait pu avoir tout d'une histoire vraie.