7.5/10Collision

/ Critique - écrit par Nicolas, le 14/09/2005
Notre verdict : 7.5/10 - Choc (Fiche technique)

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Succès de Million Dollar Baby oblige, Paul Haggis (scénariste sur l'oscar du meilleur film 2004) croule sous les demandes les plus diverses, mais n'en oublie pas pour autant de saisir l'opportunité que lui a offert Clint Eastwood. Le voici aux commandes de son premier film, sorte de melting pot de ses propres expériences personnelles, qu'il met en image dans d'abstraites figures de collision.

« C'est la sensation du toucher. Dans les vraies villes, tu marches, tu effleures des gens, tu les bouscules...A Los Angeles, personne ne touche personne. Nous nous cachons toujours dans ces trucs de métal et de verre. Je crois que nous avons oublié cette sensation, et que c'est pourquoi on se rentre dedans, pour la ressentir à nouveau... » Par une collision, tout commence. Un procureur se fait braquer et voler sa voiture par deux petites frappes, un réalisateur noir et sa femme se voient malmenés par un flic, un serrurier mexicain bombardé de clichés, un petit commerçant perse insulté... Tous vont se rencontrer, se croiser, et se découvrir enfin tels qu'ils sont....

D'un coup d'un seul, on hait un type. Vingt minutes après, il devient le contraire de ce qu'on avait pensé de lui. De ce que les autres avaient pensé de lui. Collision tient entièrement sur ce postulat. En filmant les rixes parfois brutales, souvent raciales, d'une dizaine d'âmes en plein Los Angeles, Paul Haggis lance en plein visage du spectateur le poids de sa réflexion, de son observation de l'Amérique contemporaine. Celle qui a connu le 11 septembre, et qui en a tiré les leçons, les bonnes comme les mauvaises. L'image est violente, consternante, et touchante tour à tour, par l'entremêlement d'une poignée de destinées à peine développées, de parfaits inconnus pour le spectateur comme pour le protagoniste, pourtant déjà chargés de préjugés. Un sentiment que l'on retrouve dans le choix des acteurs, pour certains complètement antagonique à ce qu'ils ont l'habitude d'incarner (Brendan Fraser et Sandra Bullock en tête), mais profondément justes et communicatifs. La difficulté fut alors de tenir autant de personnage en une durée somme toute assez réduite, ce que fait Haggis non sans mal. Oui, le propos est parfois répétitif, voire simpliste sur certaines aspérités, et aurait peut-être gagné à se jouer avec un « background » un peu moins lourd à assumer. Et même si la réalisation ne souffre d'aucun véritable défaut, ce qui est en soit une excellente chose pour une première réalisation, son style élémentaire tranché aux effets académiques ne casse pas des briques.

Paul Haggis, déjà scénariste applaudi, signe en tant que réalisateur une oeuvre très aboutie, dérangeante et cruelle, jouant des préjugés et des conflits raciaux avec un sens très aigu de l'analyse et de la réflexion. Un bon premier film, et une solide mise en image des craintes de l'Amérique du troisième millénaire.