Les 3 p'tits cochons
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 08/08/2008 (Une jolie surprise en provenance du pays des caribous. Pas de quoi hurler à l'originalité, mais le film est d'un meilleur niveau que ce qu'on attend en cette saison, et ne donne pas dans le panneau de la comédie grasse.
Ne vous fiez pas à l'affiche ratée, qui laisse présager un spectacle de café-théâtre pourri (ou au mieux une comédie à la finesse choucroutière, dans laquelle trois mecs se secouent le bide et parlent de gonzesses en rotant). Des dialogues crus et des scènes de cul explicites, il y en a ; mais l'un comme l'autre sont au service d'un scénario sensible et d'un trio de personnages bien brossés. Le film est réalisé par Patrick Huard, co-scénariste et vedette de Bon cop bad cop, phénoménal carton au
Rémy, fidèle à sa femmebox-office canadien en 2006.
Mathieu, Rémy et Christian sont trois frères d'une trentaine d'années, soudainement réunis au chevet de leur mère dans le coma. Tout en la veillant, ils discutent de leurs vies de couple qui battent toutes de l'aile. Rémy, l'aîné, tente de dissuader Mathieu de tromper sa femme. Mais la tentation est forte en période de crise... Les hommes seraient-ils tous des salauds ?
L'histoire des 3 petits cochons appartient au répertoire classique des récits enfantins : le premier habite une maison en paille, le loup la détruit d'un souffle et le goret va se réfugier chez son frère ; le loup souffle alors sur la maison en bois du frère, et les deux fuyards vont se calfeutrer chez le troisième frangin ; celui-ci a une maison en pierre et fait un gros bras d'honneur au loup, qui déclare forfait et va se taper un burger. Transposer le conte à trois Canadiens en proie à la tentation est
Christian, fidèle à sa mamanun choix déroutant. Mais force est de constater que la manip fonctionne plutôt bien, et apporte au film une part du décalage et de l'incongruité qui l'empêchent d'être simplement une variation de plus sur l'adultère. Dans le même esprit, on apprécie la sous-intrigue bâtie comme une petite parodie de slasher, et la scène assez surprenante qui survient dans la dernière partie du film. On remarquera également l'utilisation assez étrange de la musique, qui fait parfois un usage à contre-emploi de jingles qu'on croirait sortis d'un film d'horreur des années 80.
Des lieux communs, on en trouve pourtant une généreuse pelletée : sur les hommes et les femmes, sur le sexe... Mais finalement, on se laisse facilement prendre au jeu de l'identification, les trois frangins ayant chacun une personnalité dans laquelle on peut retrouver un peu de soi ou de son voisin. L'accent chantant des acteurs québécois apporte également une fraîcheur salutaire, même si les expressions fleuries du cru imposent la présence de sous-titres pendant le film ! La mise en scène de Patrick Huard, qui fait ses débuts à ce poste, s'avère beaucoup plus digeste que celle de Bon cop bad cop : malgré une caméra qu'on peut trouver un peu trop tremblotante par moments, l'image est soignée sans ostentation, et la réalisation fluide est au
Mathieu, fidèle à ses pulsionsservice des comédiens. L'espace d'une scène nocturne pluvieuse, on entrevoit les envies de stylisme auxquelles Huard aurait pu s'adonner, mais dont il a eu le bon goût de s'abstenir.
Sans crever des plafonds d'originalité, mais sans verser non plus dans la blague facile ni la sentimentalité violoneuse, Les 3 p'tits cochons est une agréable surprise qui risque de se bananer faute d'une promotion adéquate. Au Canada en tout cas, il a remporté un franc succès ; et les distributeurs français ont au moins eu la clairvoyance de le distribuer au cinéma, comprenant que le public hexagonal était plus susceptible d'être réceptif à ce film-là qu'à Bon cop bad cop, distribué uniquement en vidéo chez nous.