8/10La zona - Propriété privée

/ Critique - écrit par nazonfly, le 30/04/2008
Notre verdict : 8/10 - Un film de bonne facture (sociale) (Fiche technique)

Une société divisée entre riches et pauvres, où les riches ont tous les droits et les pauvres aucun. Ca ne vous rappelle rien ?

Sans doute avez-vous déjà vu cette photo fameuse sur internet représentant la « fracture sociale » avec un immeuble aux nombreuses terrasses-piscines surplombant des favelas*. La Zona c'est exactement ça. Gigantesques maisons Le Mordor vous salue
Le Mordor vous salue
aux haies taillées au cordeau et à la pelouse coupée au centimètre, écoliers en uniforme et 4X4 et grosses berlines garées un peu partout Le tout évidemment ceint d'un grand mur et surveillé par des dizaines de caméras et une milice privée. Un étrange lotissement qui a mis en place sa propre loi et dans lequel la police elle-même n'a pas droit de cité. De l'autre côté du mur ? La boue et les maisons faites de bric et de broc, la crasse et la misère. Histoire ordinaire dans le pays qui héberge l'homme le plus riche au monde.

Mais c'est sans compter les éléments déchaînés qui n'ont que faire des différences et vont jeter un pont entre ce monde défavorisé et La Zona, une brèche dans le mur qui sera empruntée par trois adolescents attirés par l'appel du vol dans ce quartier riche ultra-sécurisé. Tout ne tourne pas exactement comme prévu, puisque un meurtre est commis et que rapidement deux ados sont descendus par des résidents à la gâchette rendue facile par la peur tandis que le troisième, Miguel, prend la fuite. A cet instant, la communauté se referme sur elle-même, refusant l'intervention de la police : il s'agit de rendre justice soi-même et de se débarrasser, par tous les moyens, de cet intrus, sous peine de se voir retirer son privilège de zone interdite.

Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire. (Nicolas Boileau)

Il y a, comme souvent, plusieurs niveaux de lecture dans ce genre de film.

Le premier, et le plus évident, est cette fameuse fracture sociale entre les riches et les pauvres. D'un côté, c'est la misère, les petits boulots, les endroits sordides, l'obscurité. De l'autre, c'est l'opulence, l'apparente luminosité de la vie. En général, le tableau dressé par les films « sociaux » est rarement flatteur pour les riches, ces derniers montrant leur vrai visage à la suite d'événements perturbateurs : violents, lâches, injustes, égoïstes... La Zona ne montre pas autre chose, une banlieue riche apeurée par la vision qu'elle se fait de l'extérieur et une volonté de régler les problèmes plutôt... originale, dirons-nous.

Gandalf, revenez !
Gandalf, revenez !
Dans un monde idéal, la justice doit pouvoir régler les problèmes d'une société. Mais lorsque deux sociétés se rencontrent aussi dissemblables, et surtout lorsque l'une de celles-ci a une importance puissance financière, la justice et la loi deviennent presque caduques. Dans le film, la corruption de la police est omniprésente, des premières scènes jusqu'au dernier plan. Difficile de ne pas crier à l'injustice devant l'écran. Comme le disait La Fontaine, « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Près de 500 ans après, ces mots sont malheureusement toujours à l'ordre du jour.

Le repli d'un monde riche sur lui-même tandis que le monde pauvre crève au dehors est aussi représentatif de l'humanité dans sa globalité. La Zona et ses hauts murs en béton peut être vu comme une représentation de l'occident blotti dans sa tour d'ivoire et qui ne déverse que ses ordures au dehors. Il est évident que le sujet mondial est bien plus compliqué et que La Zona ne montre qu'un aspect de la réalité.

Mais le sujet qui domine le film est la peur, cette peur qui rend l'animal acculé plus dangereux que jamais, cette peur qui se nourrit d'elle-même (on place des caméras parce qu'on a peur, mais le fait de voir des caméras renforce cette peur). Et cette peur s'exprimer surtout dans la peur de l'autre, l'autre d'abord en tant qu'extérieur au groupe, mais aussi l'autre en tant que membre du groupe. Le parallèle avec Bowling For Columbine de Michael Moore peut être intéressant à dresser dans ce Mexique où il semble aussi facile de posséder une arme que d'acheter du pain.

Monsieur Bilbon, il faut jeter cet anneau !
Monsieur Bilbon, il faut jeter cet anneau !
Certes, comme après l'ouverture de la boîte de Pandore, il reste un mince espoir dans le film, sous les traits d'Alejandro, un gosse de riches qui va réellement découvrir la façon dont fonctionnent les résidents de La Zona. Certains peuvent encore changer le monde, mais il faut ouvrir les yeux, sortir de son petit cocon douillet interdit aux autres, à l'étranger. Mais cela demande un effort supplémentaire pour s'écarter du chemin erroné tracé par son clan.

Comme un air de deja-vu

Il est facile de se dire que ce genre de film a été déjà vu, déjà fait : on peut penser à Wassup Rockers de Larry Clark au pitch presque identique malgré un déroulement complètement différent. On peut se souvenir de l'anim Gunnm où la Terre ne reçoit que les déchets du monde au dessus. Mais ce genre de film demeure toujours nécessaire. Car dans un monde où on se sert de répulsif pour faire fuir les clochards, dans un monde où on utilise des tests ADN pour un banal vol de scooter, La Zona n'est pas un avertissement pour le futur, mais bel et bien une réalité qu'il convient de mettre en relief, même si le film n'aura malheureusement qu'une audience limitée.


* Si vous ne l'avez pas vu, il suffit de chercher « fracture sociale » dans la partie images de votre recherche internet.