Visitor Q
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 16/12/2003 (Tags : film dvd miike visitor takashi cinema famille
Famille japonaise comme les autres, dans une ville indéterminée. Le père couche avec sa fille qui se prostitue. La mère fait également quelques passes pour se payer son sachet blanc, cette substance qui lui fait oublier que son fils la tabasse. Le fils qui lui même se fait martyriser quotidiennement pas une bande de voyous.
Un jour, le père rencontrera un étrange individu qui s'incrustera dans la vie familiale, dont il finira par chambouler les habitudes...
Visitor Q est un film de Takashi Miike. Tout est dit ou presque. Le réalisateur japonais, qui n'est pas réputé pour prendre des pincettes (nous lui devons la trilogie des Dead or Alive ou encore le récent Audition), nous livre ici une bande étrange et assez inclassable. Tourné en cinq jours avec une caméra DV, Visitor Q a tout du film expérimental et ce n'est pas être très loin de la vérité que de l'affirmer.
Accueilli à froid par une interminable scène d'inceste, on découvre peu à peu cette famille unis mais profondément détruite qui sans cesse se trouve au bord du précipice du chaos, en attendant la pichenette qui la fera basculer. Ils se détestent tous, mais aucun ne peut se passer de l'autre. Le père et la fille sont rattachés par le sexe. La mère et le fils par la violence. Aucune relation n'est unilatérale, c'est la loi du cercle vicieux qui finalement mène à l'équilibre, aussi déglingué soit-il. Cette cocotte-minute explosera avec l'arrivé du mystérieux visiteur. Le fameux Q du titre ? Appelons le Q, ça sera plus simple. Par sa simple présence, Q déclanchera un engrenage infernal libérant littéralement les personnages. Un pétage de plomb dantesque et desespéré qui brise tout les tabous les uns après les autres. Journaliste raté, le père trouvera enfin un sens à sa vie en filmant son fils se faire humilier par des jeunes du coin, sujet en or pour son reportage sur la jeunesse et la société. Le sensationnel, toujours le sensationnel. Le clou du reportage ? il tue et viole sa coéquipière sous la caméra de Q, nous offrant au passage une séance de nécrophilie.
Quant à la mère, elle redécouvrira son rôle, par la découverte de son lait maternel. Par Q, toujours par le truchement de Q. Elle passera le reste du film nue, à faire jaillir le précieux liquide de ses seins toute la sainte journée. Pas de violence ici, mais une certaine forme de poésie, de sérenité. Malgré tout, un voyeurisme à la limite de l'obsénité qui met un tantinet mal à l'aise.
Trash, c'est bien le mot. Pourtant, Visitor Q n'est pas que répulsif. Il fascine, passionne. Plus qu'un simple étalage de scènes à la moralité discutable, Visitor Q est avant tout une fable, une descente aux enfers mênant paradoxalement à une sorte de bonheur et à l'accomplissement de soi. La fin en forme de retour aux sources est un moment intimiste et beau, s'achevant sur une image quasi-surréaliste de la famille recomposé, dévoilant le personnage principal de l'intrigue : la mère. La mère qui devient l'élément fédérateur, qui retrouve un statut quasi-mythologique en se plaçant nouricière, donnant le sein à sa fille et son mari.
Visitor Q n'est pas un film très abordable. Pour être tout a fait franc, ce n'est qu'en écrivant cette critique que j'ai trouvé un sens à tout ce que je venais de voir. Drame humain, le film de Miike passe souvent par d'inattendus moments de comédie, sadique, scato, grinçante, comme pour mieux perdre le spectateur dans ce flot d'images déconcertantes. Comment réagirait-on si l'on nous mettait soudain le nez dans la merde ? Miike l'a fait et la réaction est la suivante : on ne sait pas trop quoi penser sur le moment. Après avoir subit l'acte, il faut y réflechir pour enfin y trouver une signification. Ou peut être pas : qu'a voulu faire Miike finalement ? Visitor Q est il un pamphlet ou juste une grosse blague teintée de cynisme ? On peut y voir un film critique : un portrait de famille au vitriol. Une dénonciation de l'hypocrisie des médias. La télé annonce les informations du jour : une naissance au zoo. En arrière fond, la mère subit les derniers coups de son fils. Le message apparait clair. Mais est-ce le propos ? c'est au specateur seul de juger...
Un film à voir pour se forger une opinion sur la chose. Mais pour yeux avertis...