Le Village
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 19/08/2004 (Village People
Après seulement trois films, il est impressionnant de constater que la cote du réalisateur M. Night Shyamalan reste toujours aussi haute. Vrai, on ne parle pas de n'importe quels films : Sixième Sens (exemple même du dénouement catégorie poids lourd), Incassable (un chef d'oeuvre d'écriture et de mise en scène), et Signes (moins d'impact, bien que fondamentalement réussi). Un remarquable tiercé, et trois excellentes raisons d'attendre le quatrième rejeton de l'acteur/réalisateur avec le plus grand enthousiasme. Les fans peuvent se réjouir, leur metteur en scène fétiche ne compte pas encore abandonner ses principes...
Fin du XIXème siècle. Le petit village de Covington vit reclus sur lui-même, terrorisé par les créatures sanguinaires qui rôdent dans la forêt. Depuis des années, l'équilibre n'a pas été rompu : Elles ne franchissent pas les frontières du village, et les habitants ne s'aventurent pas en forêt. Elevé dans ces principes, Lucius (Joaquin Phoenix) n'a pourtant qu'une seule idée en tête : franchir les bois, aller en ville, et rapporter au village de quoi rendre la vie meilleure à ses occupants. Pourtant plié à la volonté des anciens, il enfreint les règles et marche quelques pas en forêt. Les conséquences ne tardent pas : des cadavres dépecés d'animaux sont retrouvés aux quatre coins du village, et d'inquiétantes marques apparaissent sur les portes des habitations...
Rappelons rapidement ce qu'est précisément un film de Shyamalan : thriller, assurément, muni d'un propos à plusieurs lectures, et d'un dénouement théoriquement inattendu qui remet en cause l'ensemble du métrage et ses ramifications ; avec, bien souvent, une petite teinte de fantastique rarement déplaisante, et même dans deux cas sur trois plutôt bienvenue. Il ne resterait plus qu'à analyser le porté de caméra et les références du bonhomme, et l'on pourrait alors affirmer le sourire aux lèvres tout savoir de lui. Le Village en subit d'une certaine façon les conséquences directes : si la mayonnaise prend toujours, son goût n'est plus aussi singulier qu'auparavant. Alors évidemment, les deux trois surprises que souhaitait nous réserver le scénario ne sont guère surprenantes, parfois limite évidentes. Même remarque pour la réalisation, pourtant toujours aussi suave et travaillée, qui se calque sur les récurrences du style de Shyamalan : apparente symétrie des plans, utilisation du son comme moteur à effroi, apparition significatives des couleurs, etc. Des récurrences qui vont même jusqu'à pouvoir s'identifier au sein même du script écrit par Shyamalan, qui recycle ses thèmes chers et nous les ressert impeccablement, avec un petit zeste supplémentaire de politique et de sociologie. Impossible d'en parler plus longuement, sous peine de gâcher l'intérêt, mais il parait évident que le noyau de ce Village n'est pas dans son dénouement ou dans les rebondissements de son scénario, mais bien dans le drame social et dans le regard porté par Shyamalan sur notre société. Le message est subtil, peut s'interpréter de diverses façons différentes, et ne correspondait pas vraiment à ce que l'on attendait du réalisateur ; mais indubitablement, il donne au Village la petite étincelle qui ferait presque oublier ses défauts, associé au charme de la petite Howard qui fait ses grands débuts dans les têtes d'affiche (Bryce Dallas Howard, la fille du réalisateur Ron Howard) au côté de Joaquin Phoenix et de Adrien Brody, tout deux irréprochables.
Shyamalan fait un film qui lui ressemble : une réalisation inspirée et très professionnelle, un scénario à deux degrés de compréhension, un rebondissement final « carte de visite », et une distribution impeccable. En somme, ce qui avait fait de Signes une passable déception, et qui fait du Village un honnête thriller pas véritablement surprenant mais doté d'une belle intelligence de propos.