Les Triplettes de Belleville
Cinéma / Critique - écrit par Selena, le 02/08/2003 (Rendez-vous à Belleville
Les Triplettes de Belleville est l'aboutissement d'un travail de 5 ans (comme dirait Monsieur J.C. de Paris: "putain, 5 ans!!") par Sylvain Chomet. Ce dernier s'est essayé à la BD (Le secret des libellules, Bug Jargal, Le Pont dans la Vase, Léon la came) avant de se lancer dans l'animation avec notamment le court-métrage La vieille dame et les pigeons (1991).
Dans l'après-guerre, Madame Souza est une grand-mère attentionnée et aimante qui, pour tromper l'ennui de son petit-fils Champion, lui offre tout d'abord un chien: Bruno, puis un vélo. La passion du vélo entraîne Champion à participer au Tour de France, où il est enlevé par la mafia française qui veut l'utiliser dans un odieux trafic à Belleville, caricature d'un New York à la française (où domine une belle statue obèse de la liberté posant avec un énorme hamburger). C'est dans cette mégalopole américaine que Madame Souza fait la rencontre des Triplettes, un trio de chanteuses/musiciennes aussi inventives qu'épatantes...
Une fois, habitué à l'absence de dialogue, on suit avec attendrissement la touchante histoire d'amour (qui se passe de mots) entre cette grand-mère et son petit-fils, et la folle course-poursuite de la vieille dame pour sauver Champion.
Le ton est donné dès le départ: populaire, poétique, grotesque, burlesque et nostalgique (avec un joli hommage au music-hall, aux années 30/60 et à ses vedettes, Fred Astaire, Joséphine Baker, Charles Trénet, Jacques Tati, Django Reinhardt...). Accompagnant l'ambiance rétro du film, la swingante et jazzy bande originale fait merveille, avec en bonus une impeccable participation de M.
En plus d'une animation qui intégre à du "dessin traditionnel" des images réelles et des images de synthèse, Les Triplettes de Belleville se singularise surtout par son graphisme original, grossier et tristounet, à l'opposé des produits joliment édulcorés et lisses de Disney and co. Le dessin et les personnages sont caricaturaux comme tout dans le film, d'ailleurs. Néanmoins, Les triplettes sont un modèle de finesse, d'intelligence et de délicatesse. Et un bijou d'humour grinçant (le cabot et sa grande histoire d'amour avec les trains, la pêche à la grenouille, le repas à la grenouille, le spectacle à la Stomp dans le restaurant, la poursuite finale à Belleville, etc).
En outre, les "acteurs" sont très expressifs, attachants, tout simplement humains, avec en tête d'affiche Bruno (le fabuleux cabot), les triplettes (des grands-mères foll'dingues mais adorables) et Madame Souza (impassible, astucieuse et merveilleuse).
BD animée franchouillarde et ovniesque dans le paysage animé actuel, Les Triplettes sont d'une rare drôlerie poétique teintée d'une tendre mélancolie. Malgré quelques baisses de rythme, ce film d'animation surréaliste vaut un détour du côté de Belleville, mais il n'est pas forcément à conseiller aux enfants.